Description
«Les princes avec la complicité des poètes et des prophètes s’emparent du passé et le manipulent à leur image et ressemblance. La légende leur sert de piédestal. Elle construit le portrait du prince. Elle impose à tous l’image du mausolée qui le consacre.» Devant cet empire qui avale le monde, encore et toujours, Pierre Perrault observe les gens de l’île aux Coudres auxquels il a consacré des films qui comptent parmi les chefs-d’œuvre du cinéma mondial. «Les gens de l’île ne possèdent qu’une modeste église en guise de monument, écrit-il. Là, ni roi, ni palais, ni régence, ni armée. Pays d’hommes libres qui passent inaperçus.» Ces gens lui ont raconté la mer et donc le monde, à leur manière. Devant eux, qui pourrait justifier «les abus et les errances des empires jusqu’aux dents»? Comment échapper aujourd’hui à l’empire des puissants si des gens pareils sont oubliés?
Pierre Perrault en appelle, une fois de plus, à la grandeur du réel, du monde d’en bas. «Bien sûr une île n’existe pas uniquement dans son humble mémoire orale, cachée. Mais tout autant elle est appelée à disparaître dans la mémoire de l’empire si elle refuse d’édifier son récit d’elle-même, si elle omet d’affirmer sa singularité. Si on ne la prend pas en compte. Si elle n’oppose pas parfois son mince savoir, la merveille des temps qui n’a jamais navigué, au savoir encyclopédique, à la cinémathèque universelle. Le local au global.» L’île chez Pierre Perrault apparaît telle une puissante allégorie.