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Portrait photo d'Alberto Prunetti.
26 mars 2024

Un roman prolétarien à faire pâlir les classes privilégiées

Odysée Lumpen (éd. Lux) est le premier livre d’Alberto Prunetti à avoir été traduit en français.

Roman prolétarien à faire pâlir les classes privilégiées, l’auteur nous prévient tout de go : « Toute ressemblance avec des faits et personnages existants serait purement fortuite ». On comprend le pourquoi d’un tel avertissement dès les premières lignes commencées, tellement situations et personnages sentent le vécu !

L’action se déroule à Bristol dans le sud de l’Angleterre. Nous sommes sous l’ère de Mme Thatcher « la Dame de fer qui a réduit des générations d’humains à l’esclavage » ! Après un stage de cuisinier « bâclé avec une troupe de canailles de tous les pays », Alberto, en tant qu’immigré italien toscan, prête serment à la reine avant de chercher du boulot dans des restos italiens et ce, à cause de son « anglais vacillant ». Il est embauché (sans contrat, of course !) dans l’une d’elles par un couple d’immigrés italiens, racistes et homophobes. La patronne, femme pragmatique et son homme, « souvent bourré et beau parleur ». Leur fils, « crâne et pédant ». Personnel italien ou latino-américain. Serveuses britanniques. Le chef de cuisine : « moitié anglais et moitié on ne sait quoi », ancien marin et gueule cassée. L’aide pizzaiolo : « De la race des bolides, homme à tout faire en courant et qui, en fin de compte, n’en foutait pas une » !

Scènes désopilantes entre petites révoltes en cuisine et petits secrets. Mais alors, Alberto Prunetti remonte le temps. On découvre sa famille et son enfance prolétarienne, passée dans la petite ville industrielle de Pimbino (Toscane) où il termine ses études « diplômé mais sans boulot » … Retour au présent. Après son « licenciement », nous suivons Alberto de missions d’intérim en petits boulots (sans aucune couverture sociale : natürlisch !). Promu à l’entretien des chiottes dans un centre commercial, plongeur, ou encore travailleur agricole saisonnier. Passages délicieux avec autant de personnages atypiques du lumpen prolétarien anglais, que de « zombis punks ». De galère en galère, Alberto continuera-t-il longtemps à subir les dures lois du travail illégal ou préférera-t-il au bout du compte, rentrer dans son Iron Town natale ? Mais pour y retrouver qui, et y faire quoi ?

Livre grandiose, dédié à « tous les bardes des causes perdues, des chevaliers errants, des trimardeurs d’utopie, des bagagistes, des hommes de ménage, des serveurs et des héros de la Working Class » ? Avec en prime, une fin des plus sereines !

Un ouvrage à ranger dans le rayon des chefs d’œuvres de la littérature prolétarienne ou sous prolétarienne. En bonne place à côté du poignant Putain d’usine de Jean-Pierre Livaray ; du poétique L’Excès-l’usine de Leslie Kaplan (voir la rubrique d’août 2023) ; du terrible A la ligne de Joseph Pontus (rubrique d’octobre 2022), ou encore, du décapant et hilarant Travailleur de l’extrême de Äke Anställung…


Patrick Schindler, Le Monde libertaire, 26 mars 2024.

Lisez l’original ici.

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