L’été dernier
Écrire, ce n’est pas pour moi.
Durant les sept dernières années, j’ai été incapable d’écrire une seule ligne un tant soit peu littéraire. J’arrivais à lire et à préparer des entretiens littéraires, mais l’idée de créer était l’objet d’un blocage. Mon rapport à la « création » et à la réflexion s’arrêtait à celui d’un passeur culturel qui avait la chance de s’entretenir avec des personnes dont j’admirais le travail. Deux mémoires de maîtrise sabordés plus tard, j’ai été obligé de voir les choses en face : la pensée et l’écriture, c’est pour les autres.
C’est l’été dernier, chez Caroline, que j’ai osé dire, tant à elle qu’à moi, que je ne me sentais pas suffisamment intelligent et pertinent pour écrire.
Refuser de naître
Dans son livre Rue Duplessis, Jean-Philippe Pleau raconte qu’il a trois dates de naissance. S’appuyant sur Principes d’une pensée critique de Didier Eribon, il explique avoir une date de naissance biologique et deux dates de naissance culturelle dont l’une est celle de sa rencontre avec Grégoire Bédard, enseignant de français au cégep de Drummondville. Encouragé par sa blonde de l’époque à envoyer un poème à la revue littéraire que Grégoire dirigeait, il s’est fait proposer, à la suite de la parution de son texte, de coordonner la revue. L’importance de cette rencontre dans son parcours est considérable parce que ce professeur lui a fait prendre conscience qu’il pouvait lire, créer et penser alors qu’il ne s’en croyait pas capable.
Il faut dire cela de l’essai de Jean-Philippe : c’est une chose de se faire offrir une main tendue, c’en est une autre de la prendre. J’écris cela parce que, malgré les encouragements, il faut aussi se donner le droit de penser en son nom propre. Écrire, pour plusieurs, est une affaire de permission. Il faut parfois se faire dire que notre voix compte et y croire. Le grand mérite de Jean-Philippe Pleau, outre cette écriture sensible et intelligente, c’est qu’il nous montre comment il a su, dans la douleur, prendre l’aide qui lui a été proposée pour s’arracher à son milieu social… et à lui-même.
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Félix Morin, Les Libraires, 3 septembre 2024.
Photo: © Les Anti Stress de Monsieur Ménard