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12 février 2022

Les victoires du printemps érable sont là pour de bon

Les partis politiques et les universités voient aujourd’hui l’importance de garder les frais de scolarité bas.

Il y a 10 ans, quelques groupes étudiants lançaient le bal d’une grève qui ferait boule de neige au point de s’étendre sur tout un printemps et de faire tomber un gouvernement. Le Journal a recueilli le témoignage de plusieurs figures marquantes de ce mouvement historique. Aujourd’hui, nous nous penchons sur l’héritage et les héritiers de 2012.

Les carrés rouges ont non seulement réussi à faire annuler la hausse des frais de scolarité, mais leur vision de l’université a fait son chemin jusque dans les hautes sphères du pouvoir. 

« On est tous dans cette mouvance, dit Pierre Cossette, recteur de l’Université de Sherbrooke. Il n’y a personne à ma connaissance qui a d’appétit pour rouvrir ce débat-là », constate-t-il.

Dès 2011, Québec veut hausser les frais de scolarité à l’université. Des associations étudiantes déclenchent une grève en février 2012 dans le but de stopper la hausse, multipliant les manifestations et arborant le carré rouge comme symbole.

Photo d’archives, Agence QMI

La crise aura raison du gouvernement Charest. La hausse des droits de scolarité sera annulée puis remplacée par une indexation. 

« Depuis, aucun gouvernement n’a osé remettre ça en cause de peur que ça lui pète dans la face », dit Yves Gingras, enseignant en histoire à l’UQAM. 

Consensus

Avant, le spectre d’une hausse revenait de façon « cyclique », rappelle Jonathan Desroches, président de l’Union étudiante du Québec. Sans 2012, les associations seraient peut-être encore en train de se battre pour la même cause, alors qu’elles peuvent maintenant en défendre d’autres, comme la santé mentale des étudiants.

Les intervenants interrogés sont unanimes : la plupart des étudiants d’aujourd’hui sont gagnants quand on compare leur situation à ce qu’elle aurait été si la hausse de 2012 avait eu lieu.

Photo d’archives, Agence QMI

L’importance d’assurer l’accessibilité aux études semble maintenant faire consensus, alors qu’avant, elle s’opposait à une vision d’utilisateur-payeur.

« L’idée que l’éducation n’est pas une marchandise […], 2012 a protégé ça », résume André Drainville, professeur de sociologie à l’Université Laval.

Les frais de scolarité au Québec sont parmi les plus bas au pays et le gouvernement Legault a bien l’intention que cela reste ainsi, indique Danielle McCann, ministre de l’Enseignement supérieur. 

Victoire inachevée

Rappelons que pour plusieurs, le dénouement de 2012 n’est pas une victoire, car une partie du mouvement réclamait la gratuité scolaire.

Reste que l’esprit de 2012 est bien vivant et continue d’inspirer.

Les universités continuent de souffrir d’un sous-financement par rapport à celles des autres provinces, rappelle Pierre Cossette. Mais en 2022, plus personne ne suggère de piger cet argent dans la poche des étudiants.

Entre 100 000 et 200 000 personnes ont défilé à Montréal le 22 mars 2022. Photo d’archives, Agence QMI

Les grandes dates

13 février
Déclenchement d’une grève générale illimitée par plusieurs associations étudiantes. Ils s’opposent à une hausse des frais de scolarité de 75 % sur 5 ans.  

22 mars
Au moins 100 000 personnes manifestent à Montréal.  

18 mai
Une loi restreint le droit de manifester et un règlement interdit le port du masque à Mont-réal. Ce sera le début des concerts de casseroles.  

4 septembre
Pauline Marois est élue. Son gouvernement annule la hausse et instaurera une indexation des frais de scolarité. 

Le Journal a contacté tous les partis présents à l’Assemblée nationale. Aucun n’a l’intention de ramener le sujet d’une hausse des frais de scolarité.

Qui sont les héritiers de l’année 2012 ?

Des militants d’aujourd’hui continuent de s’inspirer des étudiants de 2012.

Rosalie Thibault et Félix Guilbault militent au sein de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social. Photo Pierre-Paul Poulin

Rosalie Thibault habitait en région et n’avait que 13 ans au moment de la grève de 2012. 

« Je me souviens que je voyais ça comme quelque chose d’historique, d’incroyable. Enfin un vent de changement », se rappelle-t-elle. 

Aujourd’hui, cette étudiante au baccalauréat en environnement milite au sein de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES), qui regroupe une panoplie de comités verts et d’étudiants de niveaux secondaire, collégial et universitaire. 

« C’est un peu l’idéal de reproduire [2012] qui me motive à donner tout le temps libre que j’ai à la cause. » 

Cette grève a eu un effet contradictoire sur le mouvement étudiant, explique Arnaud Theurillat-Cloutier, auteur de Printemps de force. D’une part, deux des trois fédérations d’étudiants de l’époque ont implosé. 

Source d’inspiration 

En même temps, le mouvement reste une source d’inspiration en termes de combativité et de créativité, explique le professeur de philosophie. 

Par exemple, à l’UQAM, l’Association facultaire étudiante de science politique et de droit continue de lutter pour la gratuité scolaire. Des actions devraient d’ailleurs avoir lieu cette année, indique le coordonnateur Émile Brassard.

« Les associations étudiantes ont un désir d’être à la hauteur de cette génération-là de militants qui les a précédées. Un peu comme une forme de modèle, je dirais », remarque Samuel Vaillancourt, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. 

Le printemps 2012 a également eu un « impact majeur » sur la crédibilité accordée auxassociations étudiantes, ajoute M. Vaillancourt. 

« Ils ont énormément de crédibilité », confie la ministre McCann. Les rencontrer, c’est fondamental pour moi. »

Sortir du cynisme

Félix Guilbault, 20 ans, s’implique lui aussi au sein de la CEVES. Il baigne dans un milieu où plusieurs militants plus âgés ont participé au printemps 2012, des « mentors » en quelque sorte. 

« On sent que ça a été l’une des époques les plus marquantes de leur vie. Certains aiment beaucoup radoter là-dessus », avoue-t-il en riant. 

« Ça marque l’imaginaire », dit Rosalie Thibault, qui voit 2012 comme une preuve que l’on peut sortir du cynisme et se mobiliser. Parce qu’étudier en environnement, c’est tellement, tellement déprimant. »

«On s’inspire de la lutte de 2012 en s’attaquant au cœur des problèmes plutôt qu’à leurs symptômes». Il ne suffit pas de planter plus d’arbres pour régler la crise climatique, il faut s’attaquer au capitalisme, un peu comme les ces carrés rouges s’attaquaient au néolibéralisme, illustre-t-elle. 

[…]

Dominique Scali, Journal de Montréal, 12 février 2022

Photo: Agence QMI

Lisez l’original ici.

 

  

 

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