La panique morale, l’illusion du Concorde et les pubs de Stéphane Le Bouyonnec
Bienvenue sur Tourniquet, l’infolettre d’Olivier Niquet sur la bêtise médiatique et politicienne, l’urbanisme et l’électricité (en tout cas, pour cette édition-ci).
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Allan Bloom
Il m’arrive à l’occasion de lire Christian Rioux dans Le Devoir pour voir quelles sont les dernières tendances chez les réactionnaires français. Cette semaine, je me suis rendu assez loin dans sa diatribe paranoïaque pour tomber sur ce paragraphe:
Ces circonvolutions linguistiques ne sont pas que de simples tics de langage. Elles participent de cette rectitude politique que certains, comme l’écrivain Allan Bloom, identifièrent dès les années 1980. Cette mauvaise conscience des élites protestantes américaines est devenue depuis une véritable maladie dégénérative qui atteint tout particulièrement la langue.
Bel adon parce que j’ai commencé à lire le livre de Francis Dupuis-Déri, « Panique à l’université » où il est justement question de ce M. Bloom que je ne connaissais pas auparavant. Cet auteur semble en effet être le prototype du polémiste qui monte des anecdotes en épingle pour en tirer des conclusions douteuses. Son livre aurait eu une grande influence sur nos chevaliers de l’apocalypse, même s’il a été démontré que sa dénonciation de la rectitude politique dans les universités n’était pas basée sur des données empiriques. Les influenceurs conservateurs continuent de s’en inspirer.
Ils provoquent et stimulent les troubles sur les campus en lançant à répétition des polémiques à propos de la « liberté académique », qui serait menacée par les féministes et les antiracistes. Leur suffit alors une anecdote, voire une simple rumeur, à propos de ce qui serait survenu dans une salle de cours d’une seule université. Des situations complexes sont simplifiées jusqu’à devenir unidimensionnelles, réduites jusqu’à ne représenter qu’une même terrible menace.
Depuis peu, nous avons remplacé la rectitude politique par le wokisme. Chaque époque a son épouvantail. C’est une façon très efficace de faire parler de soi pour les réactionnaires dont la portée est décuplée par les réseaux sociaux. La première citation en exergue du livre de Dupuis-Déri est éloquente:
Vous n’avez qu’à dire au public que ses enfants sont endoctrinés de force par des multiculturalistes déconstructionnistes fascistes communistes féministes, et vous tenez entre les mains un vrai best-seller – et un argument auquel même les non-spécialistes auront accès.
– Michael BÉRUBÉ, Higher Education Under Fire
Il y a quelque chose de jouissif pour moi de lire « Panique à l’université ». C’est comme si tout ce que je soupçonnais à propos de ces agitateurs était confirmé. Il y est entre autres question des contradictions de Mathieu Bock-Côté que j’ai maintes fois abordées dans mes chroniques. Celui qui réclame qu’on cesse de donner des étiquettes aux gens, qui invite à la mesure dans les propos, est l’un des plus prompts à utiliser des analogies totalitaires.
Encore dernièrement, après avoir vanté un idéal intellectuel qui ne sombrait pas dans l’insulte de ruelle, il traitait un commentateur de con, tel que noté par Simon Jodoin.
Je ne suis rendu qu’à la moitié de « Panique à l’université », mais le livre me fait réaliser qu’il faudrait plus de journalistes qui déconstruisent les discours ambiants dans les médias pour faire contrepoids à ces réactionnaires qui pensent que c’était mieux dans l’temps. Malheureusement, il est si facile de surfer sur des impressions et plutôt long de faire des recherches empiriques. Peut-être aussi qu’il faudrait rappeler plus souvent aux gens (aux chroniqueurs) leurs biais. Ce très bon texte de La Presse est éclairant au sujet de ceux qui s’inquiètent du monde d’aujourd’hui:
« Nous avons donc commencé à étudier la question, et c’est la première chose que nous avons trouvée : les gens sont particulièrement critiques des jeunes d’aujourd’hui à propos de choses dans lesquelles ils excellent eux-mêmes. Ainsi, si vous étiez un enfant très intelligent, vous avez tendance à penser que les enfants d’aujourd’hui sont moins intelligents. Mais si vous étiez plutôt dans la moyenne, vous ne pensez pas que les jeunes d’aujourd’hui sont si bêtes. » Et c’est le cas pour bien des comparaisons. Les passionnés de lecture trouvent que les jeunes lisent moins, et ceux qui ont un grand respect de l’autorité estiment que les jeunes d’aujourd’hui sont particulièrement égoïstes et malpolis. »
Pas étonnant donc qu’un conservateur trouve que les jeunes soient trop progressistes.
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Olivier Niquet, Tourniquet, 6 janvier.
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