Le chasseur d’histoires d’Eduardo Galeano dans le Canard Enchaîné
Jusqu’à midi, je suis assez optimiste…
Dans Le chasseur d’histoires (Lux), le grand Eduardo Galeano se montre curieux de tout, et du reste.
C’est son dernier livre. Eduardo Galeano (1940-2015), l’homme qui dut fuir deux dictatures, l’uruguayenne et l’argentine, et qui écrivit ce livre fameux, Les veines ouvertes de l’Amérique latine, implacable réquisitoire montrant comment l’Espagne, le Portugal et l’Angleterre ont exploité, vampirisé, dévasté son continent natal, et comment de nos jours les États-Unis poursuivent ce pillage en grand… Eduardo Galeano, donc, adorait les textes courts, les contes brefs, les petites histoires, qu’il traquait partout dans les conversations, l’actualité, les vieux fonds de légendes, de croyances et de sagesse populaire. «Pourquoi ne pas observer l’univers par le trou de la serrure?»
Car on en voit, des choses, par le trou de la serrure! Une couturière aux mains délicates qui cache des messages de résistance au pouvoir colonial dans les plus de ses multiples jupons. Le général Franco se vantant d’avoir tué, un jour d’octobre 1949, 4600 perdrix. Les acts d’héroïsme de ceux qui commettent l’«impardonnable crime de lutter pour être libres». Le médecin anglais Samuel Cartwright baptisant le désordre mental qui pousse les esclaves à s’enfuir: «Cette folie n’avait toujours pas de remède, mais du moins avait-elle un nom, grâce à la bonne volonté de ce docteur: elle s’appelait drapétomanie.»
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Jean-Luc Porquet, Le Canard enchaîné, 5 juin 2017,