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13 juillet 2017

À propos de l’« extrême centre »

Alain Deneault en parle très bien dans son dernier livre publié chez Lux, mais d’où vient le concept d’extrême centre? Est-ce même un concept? Que désigne-t-il? Qu’est-ce qui distingue la version de Tariq Ali de celle d’Alain Deneault?

« […] Le livre d’Alain Deneault est postérieur au livre de Tariq Ali : publié par les éditions Lux, il est paru en Amérique du Nord en 2016 et en Europe cette année. Or, malgré ce que pourrait laisser supposer son titre, il ne cite pas son prédécesseur et, a fortiori, ne discute pas son propos. D’ailleurs le livre, issu en partie d’une série d’articles antérieurs, ne démarre pas sur l’idée d’extrême centre, mais sur les ambivalences, pour ne pas dire la duplicité, du positionnement “liberal” au sens états-unien du terme.

Il faut attendre le §7 (le livre en compte 24, d’un format bref) pour que l’expression soit introduite. Et elle l’est non pas en référence à T. Ali, donc, mais à P. Serna, avec le risque évoqué plus haut d’une greffe effectuée sur une conjoncture historique différente. Non pas que l’auteur de Gouvernance. Le management totalitaire mette sur le même plan les deux époques, tant nous avons dégringolé depuis : “penser dans les mêmes termes le régime contemporain de l’extrême centre serait encore lui faire trop d’hommages”. Mais les éléments essentiels sont là : effacement au moins apparent du clivage droite-gauche au nom de la pondération, “pragmatisme”, “réalisme”, refus des “idéologies”. L’extrême centre, c’est aussi une manière de focaliser étroitement le débat public sur des modalités, quand ce n’est pas tout bonnement sur de faux enjeux, plutôt que sur les déterminants fondamentaux ou les paramètres structurels qui organisent les rapports sociaux.

Au passage, l’auteur qualifie plus précisément le caractère extrême de l’extrême centre (p. 42) :

“En se présentant comme ‘normal’ et en faisant de cette normalité l’ersatz de son programme, le candidat victorieux à l’élection présidentielle de la République française de 2012 aura surtout réussi à décréter comme pathologique tout ce qui n’en ressort pas. Il restaurait alors quasi formellement un régime d’extrême centre, l’extrémisme se traduisant là par une intolérance à tout ce qui ne cadre pas avec un juste milieu arbitrairement proclamé.”

Il livre d’autres éléments à ce sujet, notamment (§17) le fait que les porte-parole de l’extrême centre n’ont pas de problème avec la violence exercée par l’État, au contraire ; simplement ils la “savourent (…) sur un mode en apparence résigné”, “sous des dehors rassurants”.

Tout ceci dessine en somme un tableau assez net. Il est bien possible que, sur un plan proprement conceptuel, la notion pourrait être plus finement ciselée, obéir à une série de critères mieux dégagés. Elle a toutefois le mérite d’être suffisamment contraire à l’intuition pour frapper les esprits et bousculer les habitudes de pensée. C’est pourquoi travailler à la diffuser, à l’imposer n’est sans doute pas inutile. Elle offre, en outre, une prise possible pour un retournement tactique. […] »

Gregory Salle, Contretemps, 13 juillet 2017

Lisez l’article intégral ici.

 

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