Il fut un temps où la parole politique était éclairée. De même que l’action publique l’était. Un temps où les femmes et les hommes élus pensaient notre monde avec les écrivains, les artistes, les scientifiques et les chercheurs.

Il fut même un temps où les organisations politiques avaient leurs propres instances de réflexion au sein desquelles les grands noms de la littérature française prenaient place aux côtés de philosophes, de sociologues ou d’historiens. Ce temps-là, c’était celui de la pensée et des idées. Un temps précieux à interroger les convictions. Les certitudes aussi. Sans jamais craindre le doute.

Aujourd’hui, il semble interdit de douter. Les partis politiques ont externalisé la pensée, la fabrique des idées. Le divorce entre politiques – médias aussi – et intellectuels est consommé. Les premiers méprisent les seconds. Les seconds ignorent les premiers. « Je pense qu’aujourd’hui, les intellectuels se taisent et leur silence est assourdissant. Les grands intellectuels, qui ont du courage, qui haranguent les foules… Ça manque », a récemment lancé l’acteur Vincent Lindon dans l’émission « C à vous », sur France 5.

Ce juste cri du cœur et de la raison doit nous interpeller. Pour autant, les intellectuels manquent-ils de courage ? Non. Leurs travaux sont nombreux. Les essais philosophiques et sociologiques n’ont rien à envier à la rentrée littéraire. Ils sont pléthoriques. Les observations et les propositions pour faire face aux désordres du monde sont dans nos librairies. Et sur les bureaux de nos ministres, sénateurs, députés, élus – envoyés gracieusement par les maisons d’édition. Qu’en font-ils ?

La confiance a chuté

Les intellectuels ne se taisent pas. Ils pensent. Publient. S’indignent. Le monde politique et médiatique fait comme si ce travail-là n’existait pas. Pas assez « rentable ». Déconnecté de tout fondement scientifique et de données objectives, il se contente souvent de quelques clichés et préjugés pour justifier des politiques injustifiables : sur les migrants, les chômeurs, les femmes, les jeunes ou les retraités. Sur la dette, le climat, les inégalités ou l’agriculture.

Et quand le politique parvient opportunément à faire de l’intellectuel un faire-valoir, une caution – un conseiller du prince – pour mieux accompagner une réforme, c’est l’ensemble de la communauté scientifique qui s’en trouve affectée.

Les crises sanitaire et écologique sont passées par là et alors que les scientifiques ont bénéficié d’une importante visibilité médiatique, la confiance des Français à leur endroit a chuté de près de vingt points en quelques mois. La responsabilité politique, liée à l’instrumentalisation de celles et ceux qui pensent et enrichissent nos connaissances, est immense.