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20 août 2022

Voyage au cœur du système de santé québécois

L’urgentologue bien connu Alain Vadeboncoeur vient tout juste de faire paraître son essai Prendre soin, dans lequel il décortique les défaillances de notre système de santé. Un ouvrage qui alimentera sans doute la conversation politique alors que la campagne électorale sera déclenchée dans quelques jours. 

Alain Vadeboncoeur n’hésite pas à aborder des sujets sensibles de front. Chacun des courts chapitres de l’ouvrage met le doigt sur l’une des défaillances de notre système de santé. 

Au sujet de la rémunération des médecins, il écrit : «Nous devrions disposer de plus de médecins et les payer moins, surtout en spécialités.»

Selon lui, il faudrait regarder du côté de pays de l’Europe comme l’Allemagne où le nombre de médecins est beaucoup plus important qu’ici. Leur salaire est également plus bas.

«J’ai toujours dit que les médecins gagnaient très bien leur vie. On sait que ce n’est pas quelque chose de facile à faire, mais plus de médecins avec un peu moins de rémunération, je pense que ça ne serait pas une mauvaise affaire globalement», affirme l’urgentologue. 

«On valorise les actes et la répétition»

Le Dr Vadeboncoeur croit qu’il faut aussi repenser à la manière dont les médecins reçoivent leur salaire. Selon lui, le paiement à l’acte provoque des effets pervers. 

«On valorise les actes et donc la répétition. Ça amène plein de distorsions dans ce qui doit être fait pour aider les gens», soutient-il.

D’ailleurs, l’essayiste croit qu’il y a trop d’actes médicaux inutiles qui sont posés. 

«Imaginez qu’on puisse en éliminer de 10 à 20 %. Ainsi, on s’occuperait davantage des malades chroniques, des personnes âgées en perte d’autonomie et de ceux qui passent trop de temps à l’urgence ou dans les lits d’hôpitaux, et puis tous ces malades s’en porteraient mieux», peut-on lire dans Prendre soin

Alain Vadeboncoeur cite la défunte Association médicale du Québec, qui a estimé les pertes financières associées aux soins inutiles à cinq milliards $ par année. 

Il établit d’ailleurs un lien entre le paiement à l’acte et les soins inutiles. «Le mode de rémunération a une influence sur ce que les gens font. Quand on paie à l’acte, c’est certain que les gens peuvent avoir tendance à répéter des actes, sans être conscients que certains d’entre eux ne sont pas nécessaires», affirme-t-il. 

Plus de privé en santé? 

Bien que l’objectif premier n’était pas de sortir son livre à la veille de la campagne électorale, Alain Vadeboncoeur reconnaît que c’est un moment opportun pour pointer les défaillances de notre système de santé. «C’est souvent un sujet abordé durant les campagnes, alors tant mieux si ça peut servir à la discussion», dit-il.

Le docteur rappelle d’ailleurs que le ministre de la Santé, Christian Dubé, a récemment annoncé souhaiter refonder le système de santé. Une volonté que le Dr Vadeboncoeur voit d’un bon œil. Il émet toutefois un bémol. 

«Le principal piège serait en effet de proposer ces changements sans donner les ressources nécessaires pour les mettre en œuvre ou sans en mesurer les résultats, une habitude récurrente dans les réformes du système de santé depuis plusieurs décennies», écrit-il. 

La place du privé en santé risque aussi de faire partie de la conversation électorale puisque le Parti conservateur d’Éric Duhaime veut en faire l’un de ses thèmes de campagne.

Sans être totalement fermé à l’idée, Alain Vadeboncoeur croit qu’il s’agit d’un faux débat.


« Il n’y aura pas de magie : ce n’est pas parce que le privé dit qu’il va bien gérer les choses que ça va tout changer dans la capacité d’accès aux services. »
Alain Vadeboncoeur

Il reconnaît toutefois que les cliniques privées ont joué un rôle positif durant la pandémie pour limiter les retards en chirurgie. 

«S’il est difficile de croire qu’on aurait pu s’en passer ces deux dernières années, en revanche, rien ne dit qu’on doit pousser le développement de ce modèle plutôt que de tenter de réparer ce qui fonctionne mal dans les blocs opératoires hospitaliers, surtout en tenant compte du fait que ces cliniques pourraient cannibaliser le personnel et les médecins des hôpitaux», explique-t-il dans son essai. 

Comme plusieurs autres observateurs, Alain Vadeboncoeur affirme que la pandémie a mis en relief les failles de notre système de santé. Il soutient toutefois qu’elle a aussi permis d’en voir certaines forces. 

«Quand il y a une nécessité, les gens sont capables d’agir. On l’a vu avec les systèmes de rendez-vous informatisés ou encore la télémédecine. Il y a plein de dossiers qui ont débloqué, car c’était nécessaire», dit-il. 

L’urgentologue prône d’ailleurs la décentralisation du système de santé afin que les individus sur le terrain soient davantage impliqués dans les prises de décision. 

Humaniser le système 

La plupart des chapitres de l’ouvrage débutent avec une anecdote concernant un patient qui a éprouvé des difficultés dans le système de santé. «Je voulais humaniser et montrer qu’il y avait un lien direct entre tous ces enjeux qui peuvent sembler abstraits et comment les patients sont soignés dans le système», explique l’urgentologue. 

Thomas Laberge, Le Soleil, 20 août 2022.

Photo: Archives La Presse / Alain Roberge

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