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Détail de la couverture du livre «Devenir fasciste».
1 mai 2025

Vaut mieux en rire, même jaune

Le soleil brille de tous ses feux, alors que la planète brûle depuis que le pyromane du Sud s’amuse à allumer des incendies, même sur une île de manchots solitaires. Pour échapper à cette morosité, le sociologue et éditeur Mark Fortier nous invite – sur le ton de l’ironie, du sarcasme et de la satire – à Devenir fasciste (Lux, 2025) en exposant sa thérapie de conversion.

Or, quand on y réfléchit, on constate que le feu de l’extrême droite couve depuis des décennies et qu’aucun service incendie, capable de combattre une telle déflagration, n’a été prévu en démocratie. L’essayiste en convient: « Que de plaisir j’aurais eu à tenir quelques années encore mon modeste rôle d’esprit libre sur la scène de la vie!… Franchement, s’il n’en avait tenu qu’à moi, j’aurais placé ma vie sous la production de la loi de l’inertie… »

Outre que des démocraties flirtent avec l’extrême droite, l’empressement admiratif des plus riches à louer le nouveau maître de la Maison-Blanche surprend. Contrôlant, entre autres, les technologies de l’information, ils gagnent ainsi l’assurance d’avoir un allié de taille si on voulait leur imposer des règles autres que les leurs.

Dans ce contexte, l’essayiste choisit de se ranger du côté des puissants et de se convertir au fascisme. « La première étape de la thérapie de conversion au fascisme, c’est le lâcher-prise. Le sujet doit s’ouvrir intérieurement au changement, laisser agir en lui la peur, s’abandonner aux petites lâchetés et aux compromissions opportunes. »

Il faut aussi en informer les siens. M. Fortier s’adresse à sa fille et lui donne le cours « fascisme 101 », un tour d’horizon des pays où le totalitarisme fait loi, de Mussolini à aujourd’hui.

« La nature apparemment insaisissable du fascisme autorise plusieurs analystes à douter de la réalité d’une version contemporaine de cette doctrine. Ceux-ci soulignent notamment l’absence, dans les mouvements analogues d’aujourd’hui, de ce qui a jadis tenu lieu d’identité du fascisme: la culture du combat et de la violence. » Cet esprit belliqueux n’est peut-être pas aussi actif que jadis, mais il veille sous le boisseau, l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, en est une pâle illustration.

La doctrine fasciste du 21e siècle « veut réduire les impôts, elle poursuit des politiques d’austérité, supprime les barrières réglementaires, soumet les communautés aux froids calculs de l’intérêt et aux impitoyables conditions de la compétition entre les entreprises. » Pour y parvenir, elle emprunte les traits d’une « démocratie de mise en scène »; les « leaders populistes sont pour la plupart des figures carnavalesques. Ils n’ont pas un caractère héroïque. Ils affichent sans complexe leur grossièreté, leur forfanterie, leur fourberie, leur indécence… »

«Bien entendu, ce “journal de conversion” est une satire, un pamphlet cinglant et comique qui s’en prend aux fascistes, mais en premier lieu à tous ceux qui ont laissé la démocratie se dissoudre. L’auteur s’y compose une psyché autoritariste et s’efforce d’adhérer avec enthousiasme aux convictions de la droite radicale. Il offre surtout un portrait saisissant de la dégradation de nos institutions et une description affligeante de ce qui point lorsque l’on cesse de résister. Heureusement, la thérapie échoue, laissant tout de même ce qu’il faut de raison pour ne pas céder entièrement au désespoir.»

Devenir fasciste: ma thérapie de conversion est telle une forte dose d’un remède inscrit au compendium de l’humanité, l’ironie, cette potion qui nous insuffle l’énergie du rire qui fait tant de bien.


Jean-François Crépeau, Le Canada français, 1er mai 2025.

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