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Détail de la couverture du livre «Devenir fasciste».
15 septembre 2025

Une toile antifasciste redoutable

Lire : Mark Fortier, Devenir fasciste, Ma thérapie de conversion

Non, non, vous ne rêvez pas ! Ce n’est pas un entretien d’embauche, même si ce secteur est sous tension !

Quel brio, rien que dans le titre !

Ce bouquin, on hésite à le sortir dans un hall d’attente de peur d’être mal perçu, et pourtant cela mérite le détour. Sur la plage ce serait du plus mauvais effet. Il existe abondance d’écrits sur l’antifascisme où le sérieux rivalise avec la richesse et la sécheresse documentaire.

Mark Fortier a choisi un tout autre angle d’attaque. Il se questionne sur le glissement, suit cette lente dérive et progressivité vers l’abandon des convictions dites de gauche.

Mark Fortier, « un obscur scribouillard dont la morgue et la mauvaise foi sont sans limites », loin s’en faut. Dans son petit livre, l’auteur manie avec dextérité le style pamphlétaire. Son style satirique tape, et tape fort. Sa thérapie de conversion pour devenir fasciste sera-t-elle couverte de succès ? Ce n’est pas ici le lieu de vous révéler l’aboutissement de ce long cheminement qui, du lâcher prise au renoncement progressif et la résilience conduira l’auteur à interroger et s’interroger sur cette relation au fascisme.

Il a choisi un style assez léger, facile à lire, en écho au registre décomplexé, sans fondement et outrancier du fascisme. Il est allé à l’abordage de ce sinistre rafiot avec des armes aiguisées, subtilement assénées au fil des pages. En optant pour un parcours initiatique, conformiste et supposé plus protecteur, il s’est essayé à s’imaginer faisant le grand saut dans l’inconnu fasciste pour se conformer avant d’être dévoré. On le découvre au sein de sa famille proche qu’il doit informer du pourquoi et du comment de sa conversion, s’essayer à la compréhension des arguties rituelles.

Mark Fortier, avec des airs faussement ingénus, analyse avec lucidité le discours fasciste en plein et en creux, surtout en creux. Il parcourt et sillonne les chemins de pensées de l’Italie de Meloni, des États-Unis de Trump et de la Hongrie d’Orban. Il convie les personnalités politiques démocrates, républicaines ou socialistes au grand bal des mensonges, au grand cirque. Il sinue dans les méandres et les dispositifs des discours du pouvoir des années quatre-vingt et postérieures, démontrant la lente logique d’extension du ventre mou du capitalisme, de l’acclimatation progressive au fascisme, non d’un fascisme mussolinien ou d’un nazisme hitlérien, construits autour de la vénération de l’État, de la planification, mais bien celle d’un fascisme illibéral, déconstruisant les rapports sociaux et prônant une prise au tas décomplexée par les nantis. Mark Fortier démontre toute la fausseté et dangerosité de ces discours, bien au-delà de la banalisation. Il balaie ces prétentions nauséabondes à défendre l’identité de la civilisation, là où seule la conservation de leurs intérêts de classe privilégiée importe. Il aborde le passage de la notion d’égalité à celle de diversité et la dilution individualiste en résultant.

Mark Fortier, à force de citations, tisse une toile antifasciste redoutable. Aussi chère que lui ait coûté sa thérapie, espérons qu’il échoue dans sa conversion.


Dominique Sureau (UCL Angers), Union communiste libertaire, 15 septembre 2025.

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