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19 septembre 2019

Une histoire américaine

Prix Pulitzer de l’essai, le livre de Matthew Desmond est une immersion dans le quotidien des expulsés.

En 2008, alors que débutait la crise des subprimes, ces prêts immobiliers à taux variables vendus en masse à des foyers américains modestes aspirant à la propriété, le sociologue Matthew Desmond s’immergeait dans le quotidien de huit familles des quartiers pauvres de Milwaukee (Wisconsin). Des locataires, en l’occurrence, pris dans la spirale de l’endettement, et évoluant de taudis en foyers d’hébergement, au gré de leurs expulsions.

« Ce livre se déroule à Milwaukee, mais c’est une histoire américaine qu’il raconte », est-il précisé. Toutes proportions gardées quant au niveau de dérégulation du marché locatif, et sans perdre de vue l’ampleur des discriminations aux États-Unis, nombre de lecteurs trouveront sans peine des parentés avec les problématiques du logement en France.

Une misère profitable

Au cours des années 1980, Milwaukee a été frappée, comme bien d’autres villes aux États-Unis et en Europe, par la désindustrialisation. Dans la foulée, des choix politiques ont conduit au délabrement du parc américain de logements sociaux. « Les familles qui le pouvaient ont déménagé, contrairement aux résidents les plus pauvres », résume Matthew Desmond. L’histoire est connue. Mais ce qui restait peut-être encore trop peu analysé, c’est la façon dont la pauvreté est devenue en soi profitable pour des propriétaires sans scrupule, tels ceux que suit, par ailleurs, ­Matthew Desmond. L’« entrepreneuse du ghetto », Sherrena, se targue ainsi de savoir « profiter des échecs des autres » et d’« attraper les propriétés », tout en se considérant elle-même, à l’occasion, comme une bienfaitrice de l’humanité. Empochant parfois directement les aides des services sociaux, elle n’hésite pas non plus, à l’instar de Tobin, quasi-millionnaire à la tête du parc de mobile homes « le plus pauvre de la ville », à faire rénover gratuitement un logement par tel ou tel locataire en retard de paiement.

Riche de ses anecdotes, cette enquête livre un diagnostic à la fois exhaustif et sensible du mal-logement dans une ville américaine. Néanmoins, au regard des faits accumulés, le propos manque parfois de tranchant, comme lorsqu’il est question de seulement « rééquilibrer » la « liberté de générer des profits grâce aux loyers » et celle « de vivre dans un logement sûr et abordable ».

Laurent Être, L’Humanité, 19 septembre 2019

Lisez l’original ici.

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