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Photo de l'édition allemande du livre de l'autrice palestinienne Adania Shibli intitulé «Un détail mineur».
20 octobre 2023

Un détail pas mineur à la Foire du livre de Francfort

Le kiosque des éditions québécoises Lux, à la Foire du livre de Francfort, est orné depuis l’ouverture mercredi d’affichettes imprimées à la va-vite. « In solidarity with Adania Shibli », peut-on lire, à la précieuse place des livres dont on veut vendre les droits pour les voir traduits en d’autres pays. Ou « Publishers against genocide ». La plus importante foire du livre au monde n’a pas l’habitude d’être politique. L’annonce de l’annulation de la cérémonie prévue en l’honneur de l’autrice palestinienne Adania Shibli change la donne.

Le prix LiBeraturpreis devait saluer la traduction allemande qu’a faite Günther Orth du livre de Mme Shibli. Un roman devenu en français Un détail mineur (Actes Sud), finaliste en 2020 au prestigieux National Book Award.

Or, « le 13 octobre, Litprom, les organisateurs du prix, a annoncé qu’il ne serait pas remis pendant la Foire », indique la directrice générale de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), Karine Vachon, dans un courriel envoyé à ses membres.

« À cause de la guerre déclenchée par le Hamas, qui fait que des millions de personnes en Israël et en Palestine souffrent, l’organisateur Litprom a décidé de ne pas tenir la cérémonie à la Foire de Francfort », peut-on effectivement lire sur le site de l’organisme, qui « cherche un format et un lieu adéquat[s] pour tenir plus tard l’événement ».

Selon Lux, « les organisateurs ont justifié [leur] décision en affirmant leur volonté de se tenir en solidarité totale du côté d’Israël ». « Cette situation est hautement condamnable », indique l’éditeur sur Facebook.

La lettre de Karine Vachon précise aussi qu’une « discussion publique avec Adania Shibli et son traducteur a également été annulée ». Les réactions, depuis, s’accumulent.

Selon le courriel de Mme Vachon, l’Association des éditeurs arabes, l’Association des éditeurs des Émirats arabes unis, la Sharjah Book Authority et PublisHer se seraient retirés de la Foire du livre de Francfort.

La directrice du magazine ArabLit Quarterly, Marcia Lynx Qualey, a lancé une pétition, qui a largement circulé. Le Monde la publiait lundi en français, signée par plus de 600 auteurs, dont trois Prix Nobel de littérature, soit Annie Ernaux, Abdulrazak Gurnah et Olga Tokarczuk.

On y lit que « la Foire déclare vouloir rendre les voix israéliennes “particulièrement audibles” tandis qu’elle réduit l’espace accordé aux voix palestiniennes ». Les signataires y affirment « haut et fort que l’annulation d’événements culturels n’est pas une solution ».

La Foire, selon cette pétition, doit « créer des espaces qui permettent aux écrivains palestiniens de partager leurs réflexions sur la littérature en ces temps graves et terribles, plutôt que de les réduire au silence ».

L’Alliance des éditeurs indépendants a également protesté contre les annulations. PEN America, qui vise à défendre la liberté d’expression, a demandé par communiqué à Litprom, l’organisateur du prix, de reconsidérer le report de la cérémonie.

Crime de guerre

« Le conflit israélo-palestinien nous chavire tous ces jours-ci », termine Karine Vachon dans son courriel. En outre, « la décision de retirer de la Foire la remise du prix à l’autrice palestinienne choque, […] et soulève des inquiétudes, d’autant plus que l’ANEL défend la liberté d’expression ».

Née en 1974, Adania Shibli, selon Actes Sud, incarne une génération d’artistes palestiniens « qui revendiquent un engagement politique autant qu’esthétique ». Elle parle l’arabe, le français, l’anglais, l’hébreu, le coréen et l’allemand, mais écrit uniquement en arabe « parce que cette langue est une sorcière », selon sa fiche Babelio.

Un détail mineur part d’un fait réel, le viol d’une jeune Bédouine en 1949 par une unité de l’armée israélienne. Le récit est en deux temps. Une moitié « relate le déroulement du crime avec une objectivité quasi chirurgicale ». L’autre partie, au « je », sur un ton ironique, est narrée par une Palestinienne d’aujourd’hui obsédée par le lien entre la date du viol et sa date de naissance.


Catherine Lalonde, Le Devoir, 20 octobre 2023.

Photo: L’édition allemande du livre de l’autrice palestinienne Adania Shibli intitulé «Un détail mineur». Kirill Kudryavtsev / Agence France-Presse.

Lisez l’original ici.

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