Il a beaucoup été question de peur, pendant l’entrevue. La peur qu’elle avait avant, pendant et après son passage à l’Assemblée nationale du Québec. Surtout la peur qu’elle n’a plus.

« Les conséquences qui viennent avec le livre? Celles qui ressemblent à ce que j’ai déjà vécu ne me font plus peur. Je sais c’est quoi et je ne vois pas que ça puisse être pire que ça. De ce côté-là, le chemin est fait. Mais oui, j’ai un peu peur de réaffronter les spotlights, quand même », reconnaît-elle.

« Le hochet des chroniqueurs »

Mme Dorion affirme que personne n’est préparé à devenir « le hochet des chroniqueurs ». Comme elle l’a été durant de longs mois où son habillement et ses déclarations inflammables en ont fait un sujet récurrent et payant pour les médias.

Quatre années en politique à un rythme qui l’a menée à l’épuisement professionnel.

Pourtant, si c’était à refaire, elle le referait.

« Je suis très fière de ce que j’ai fait! Rien n’est parfait, mais je ne regrette absolument rien. En brisant le spectacle qui nous sert de distraction, je me suis brisée aussi, je vais garder des cicatrices », reconnaît Mme Dorion.

« Mais les connaissances et l’expérience que je suis allée chercher là, je ne vois pas autre chose qui pourrait m’avoir apporté ça. Je me sens crissement solide, maintenant. J’ai moins d’énergie, mais je n’ai plus peur. J’ai vraiment moins peur. Je me dis : si c’est le pire qui peut arriver… C’est ça le maximum de leur pouvoir? »

Ça recommence avec une série d’entrevues sur son livre qui sortent samedi.

Deuxième vitesse dimanche, sur le plateau de Tout le monde en parle. Sa seule autre participation à la populaire émission télé date de novembre 2019, au lendemain des tempêtes médiatiques successives causées par son coton ouaté, devenu légendaire, et sa photo d’Halloween déguisée en « députée standard ».

La « mafia » Nadeau-Dubois

Dans son livre, Catherine Dorion nomme très peu les gens avec qui elle a travaillé chez Québec solidaire. Mais beaucoup Gabriel Nadeau-Dubois et un peu Manon Massé.

Elle dénonce haut et fort l’empreinte autoritaire qu’imprime le chef parlementaire et co-porte-parole masculin Nadeau-Dubois sur le parti. Lui et son entourage seraient surnommés la « mafia », au sein de QS.

Son besoin de contrôle surpasse ses convictions, argue-t-elle.

« Pour lui, ça se mélange. Je ne pense pas qu’il soit mal intentionné », a précisé l’auteure et ex-politicienne, en entrevue.

Mme Dorion y décrit M. Nadeau-Dubois comme quelqu’un qui « excelle » dans le « grenouillage » et ayant « le talent, la capacité et le désir de se livrer à ces pressions émotives et tractations de pouvoir ».

Elle illustre leur relation d’alors :

« C’est plus comme deux combattants qui, pris dans la même tranchée, hyper-stressés par l’arrivée massive et discontinue de bombes et d’explosions, s’engueulent sur ce qui doit être fait en réponse et réalisent, ce faisant, qu’ils ne se battent pas du tout pour la même chose. […] Du fond de notre tranchée, une chose est maintenant claire : nous ne nous aimons pas beaucoup. »

Mme Dorion s’affirme consciente de l’impact que ses attaques et révélations à l’endroit de M. Nadeau-Dubois pourraient avoir sur lui et le parti qu’elle a représenté. Mais elle estime illustrer un problème plus répandu au sein de nombreux milieux de travail.

« Je ne pense pas que ça parle juste de Gabriel, la critique, tient-elle à nuancer. C’est pour ça que l’attaque, ce n’est pas une attaque. J’ai voulu que ça reste une façon de dire les choses pour fertiliser notre réflexion sur comment faire pour ne pas se perdre en chemin.

« Clairement, des acteurs médiatiques vont être contents de basher QS, constate Mme Dorion. Des gens vont voir juste ça! Mais si je réfléchis en fonction que ça n’arrive pas, je ne dis plus rien et je ne fais plus rien. Je fais confiance aux lecteurs. Comme autrefois, je faisais confiance à ceux qui se donnaient la peine d’écouter telle vidéo ou tel discours au complet, au-delà de la friture sur la ligne du commentariat. »

Elle assure qu’au moment d’écrire le livre, « je n’avais plus de colère » envers Gabriel Nadeau-Dubois.

Ni de rancune envers Manon Massé. Même si celle qu’elle a tant admirée ne l’a pas défendue comme elle l’aurait espéré.

« Les circonstances ont fait qu’on n’aura pas pu être aussi proches qu’on l’aurait été [dans d’autres circonstances]. Je n’ai jamais douté de sa sincérité, même de sa radicalité », assure-t-elle.

Transposé au théâtre

Catherine Dorion conserve des amitiés sincères au sein de la députation de QS. Mais pas question de s’immiscer dans l’actualité du parti. Même pas à titre de simple membre.

« Je pense que je n’ai pas renouvelé ma carte [de membre de QS]. J’ai envie de redevenir une artiste libre de ce genre d’attache. »

—  Catherine Dorion

L’exercice du livre s’est avéré « douloureux, mais nécessaire ». Et tant qu’à le faire, elle travaille maintenant à en tirer une pièce de théâtre documentaire pour 2025. Elle en sera l’interprète principale. « Un genre de J’aime Hydro, mais plus funky », promet-elle.

Pour la suite? Elle ne dit non à rien. Même pas à se représenter en politique. Mais pas avant l’âge de 60 ans. Elle en a 41.

Olivier Bossé, Le Soleil, 11 novembre 2023.

Photo: Yan Doublet/Le Soleil

Lisez l’original ici.