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7 juin 2022

Sale temps: Jean-François Nadeau pose un regard critique sur notre époque

L’historien, journaliste et chroniqueur Jean-François Nadeau publie Sale Temps, un recueil d’essais portant un jugement critique sur notre époque où les inégalités sociales s’accentuent plus que jamais.

Avec le temps comme fil conducteur, l’auteur plonge dans l’histoire pour en décoder les mécanismes qui ont mené à l’état actuel des choses, un monde dans lequel une majorité est asservie au profit d’une minorité dont les profits sont incalculables à l’échelle humaine. 

«C’est un livre constitué de textes inédits, de texte qui ont été écrits et utilisés ailleurs mais qui ont été largement reconstruits, augmentés, développés», décrit Jean-François Nadeau, à propos de son œuvre publiée en mai chez Lux.

Époque ingrate

«C’est extraordinaire l’époque dans laquelle on vit, une époque comme on n’en a jamais eu dans l’histoire. Je suis historien et je crois que l’histoire est importante parce que c’est un réservoir de possibles. L’histoire qu’on nous enseigne qui est techniquement arrivée (…), on peut aussi voir ce qui aurait pu se produire. On peut voir ce qu’on a manqué, à quel virage on aurait pu tourner, ça donne des idées pour construire l’avenir», entame-t-il, avant d’enchaîner sur le cœur du sujet: les inégalités sociales. 

«On parle d’un fossé de plus en plus grand. On n’a pas vu ça dans l’histoire de l’humanité. Présentement il y a trente personnes sur terre qui possèdent autant d’argent que la moitié de la population la plus pauvre. C’est inouï.»

«En 2020 et 2021, pour les dix hommes les plus riches du monde, leur fortune a augmenté de 900 000$ à la minute. (…) Il y a quelque chose qui n’est pas normal là-dedans, alors qu’on fait comme si tout était normal. En un an, les milliardaires ont accumulé 3600 milliards de plus. C’est l’équivalent de 12 fois le budget annuel du Canada», dénonce l’auteur. 

Et pour comprendre comment on en est arrivé là, il remonte dans toutes les époques, décodant le parcours depuis les empires anciens à aujourd’hui.

«Sale temps»

Le titre est au cœur même du propos de l’auteur: «Je me suis toujours demandé pourquoi on était aussi soumis à la marche de la petite et de la grande aiguille. Au fond, notre rapport au temps, on a l’impression qu’il est normal, mais je trouve ça fascinant que ce soit sous le couvert des horloges qu’on soit arrivé à une espèce de décalage humain important.

Mes arrières grands-parents n’étaient pas soumis comme nous au temps. Ça ne fait pas si longtemps que ça qu’on a l’horloge collée dans le front, et au bénéfice de qui? Aux maîtres des horloges, ceux qui font de notre temps leur argent. 

Quand j’étais petit, à Cookshire, il y avait comme dans plusieurs villages des Cantons-de-l’Est, une sirène qui était placée sur le toit de la [caserne de pompiers]. Le midi, il y avait un long déroulé de l’alarme et là tout le monde s’arrêtait. Comme la cloche dans l’usine ou dans les écoles.»

Jean-François Nadeau indique que ce contrôle des heures est de tous les empires, de tous les régimes. Mais ici, maintenant: «Dans quel régime d’heures on est? C’est celui du capitalisme, qu’on ne veut pas nommer. C’est avec ça que la disparité économique s’est créée en faisant du rapport au temps une possibilité de s’enrichir. C’est difficile de s’imaginer que le temps n’est pas sale.»

Il illustre sa pensée: «On nous annonce sur des panneaux réclame qui changent des autos à vendre, puis des restaurants, un drapeau de l’Ukraine avec un cœur entre les deux. On est en guerre. On est dans une étrange période.»

L’humain ordinaire invisible

Au-delà du temps, Jean-François Nadeau donne une tribune à l’invisible, aux travailleurs aux conditions difficiles. Parmi eux, Diane, camelot, ne peut pas prendre de vacances. Sa réalité, c’est celle de milliers d’autres. «La réalité médiatique c’est de présenter toujours des gens d’exception par leur beauté et leurs capacités. Mais ce ne sont pas les gens ordinaires. Il y a une invisibilité de la majorité de la population. C’est important de commencer à voir le gros du réel, la vraie normalité. Des Diane, le monde en est plein et il est temps qu’on commence à s’en rendre compte.»

Ariane Aubert, La Tribune, 7 juin 2022.

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