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8 juin 2017

Le regard bleu du conspirateur

John Berger, passeur d’histoires

« Le bleu est mémoire, mais le bleu est aussi effronterie, impudence. »
John Berger et John Christie, I Send You this Cadmium Red

John Berger est mort à l’orée de cette année, le 2 janvier. Il était né – désolé, je fais une erreur de temps, dit-il dans un entretien au cours duquel il parle de son père mort depuis longtemps, car les morts sont là, avec nous, présents −, il est né dans une banlieue nord de Londres, a vécu en France dans un petit village de Haute-Savoie pendant près de 40 ans. Il vient d’avoir 90 ans, c’est un marxiste de type persistant, il écrit en anglais, parle un français précis avec un accent immanquable, a appris le travail des champs avec les paysans du village, a une passion pour la motocyclette, commente avec fougue l’art et la politique, raconte des histoires, lit ses textes dans les prisons, en Palestine, dans les camps de réfugiés, sur les places publiques, échange inlassablement au téléphone, par SMS – it’s like whispers, and with that goes intimacy, secrecy, playfulness −, avec toujours une attention tournée vers l’interlocuteur, une façon lente de peser les mots, d’en douter, de rappeler leur sens dérobé par les pouvoirs.

Il a à coup sûr le regard vif comme la lame et tendre comme la blessure.

Il est à coup sûr parmi les très grands écrivains contemporains.

Un regard

Berger naît dans une famille de la classe moyenne, son grand-père est un émigré hongrois, parti de Trieste vers Liverpool. Sa mère est d’origine modeste, fille de docker, secrète, ambitieuse pour ses fils. Ils l’envoient dans un pensionnat à Oxford, mais, à seize ans, il s’enfuit de ce qu’il considère comme une abominable prison, s’inscrit à la Central School of Art, fait deux ans de service militaire, puis intègre la Chelsea School of Art. C’est un tout jeune homme quand le parti travailliste prend le pouvoir en 1945 et commence à mettre en place les bases de l’état providence. Lui, il a lu Kropotkine et Marx. Au pouvoir en 1951, les conservateurs vont suivre sensiblement la même direction que leurs prédécesseurs, quant à Berger, il commence à envisager de quitter la peinture pour l’écriture. Il dira, très longtemps après, qu’à l’époque il lui paraissait plus urgent d’écrire dans les journaux que de peindre des tableaux qui allaient finir dans les salons, alors que la menace d’une guerre atomique planait. Et dans de très nombreux journaux du monde entier, il écrit toute sa vie.

[…]

Véronique Dassas, Liberté, no 316, été 2017

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