Quatre figures importantes des Rébellions de 1837-1838
« Chacun de nous doit être aujourd’hui accusateur, si l’amour du pays nous anime. » Ces paroles de Louis-Joseph Papineau, prononcées en 1834 en appui aux 92 résolutions, pourraient fort bien être reprises aujourd’hui par les élus du parti indépendantiste à l’Assemblée nationale.
Dans un ouvrage des plus éclairant, l’historien Yvan Lamonde revient sur cette période marquante des rébellions de 1837-1838, en suivant quatre personnages qui ont joué un rôle prépondérant lors de ces événements tragiques qui ont encore aujourd’hui des répercussions sur nos enjeux politiques.
Lamonde s’intéresse aux détails qui font la grande et la petite histoire, aux actes manqués, aux non-lieux, aux faux pas et aux dessous de l’histoire. On découvre un Papineau énergique qui, tel un Jacques Parizeau en pleine possession de ses moyens, fustige le colonisateur anglais qui refuse de faire preuve d’ouverture, allant jusqu’à le menacer de s’associer avec le Congrès des États-Unis advenant le refus d’accorder l’éligibilité d’un conseil législatif au Bas-Canada.
Papineau ne vise pas seulement l’amélioration du système colonial, il rêve déjà à l’indépendance de la colonie. Le refus des autorités coloniales d’accueillir les 92 résolutions radicalise son discours. Résister devient « une obligation morale ». En cela, la lutte d’indépendance des 26 colonies américaines l’inspire. Il y voit une nouvelle forme de souveraineté, différente des nations européennes. Il organise la résistance en proposant de boycotter les produits venant de la métropole et de ses colonies. Ainsi le sucre venu de l’extérieur devrait être remplacé par le sucre d’érable et on devrait favoriser le lin et les lainages du pays. Il faut rêver grand et arrêter de demander le minimum, martèle-t-il dans ses nombreux discours.
L’affrontement paraît inévitable et « le temps des humbles requêtes est fini ». Le 23 novembre 1837, à Saint-Denis, les patriotes remportent une première victoire militaire. Mais deux jours plus tard, à Saint-Charles, la défaite sera sanglante. Papineau se réfugie alors aux États-Unis pour mieux reconstituer ses forces combattantes et solliciter le soutien de ce pays affranchi. Il veut recueillir 100 000 $ pour « l’achat de dix mille fusils, de vingt pièces d’artillerie, des munitions et de quoi payer les vivres des volontaires… » Mais les appuis, même moraux, tardent à venir et on recommande la neutralité, parce que les patriotes canadiens sont mal organisés et divisés.
Papineau se défendra d’avoir commencé les hostilités armées, accusant le gouvernement anglais de les avoir provoquées. Il rejettera le rapport Durham. « Les Canadiens n’ont aucune justice à espérer de l’Angleterre. […] La soumission serait une flétrissure et un arrêt de mort. »
Quant à Étienne Parent, il se dit plus près du peuple que des patriotes qui feraient montre d’une « méprise insensée » et qu’il accuse d’être « une espèce de dictature démagogique ». L’avocat Louis-Hyppolite Lafontaine, plus mou, sera son élève et allié, tandis que le docteur Cyrille-Hector-Octave Côté est la figure parfaite du vrai révolutionnaire : organisateur des Frères chasseurs, républicain anticlérical, radical, opposé au régime seigneurial, transporteur d’armes et combattant.
Jacques Lanctôt, Le Journal de Montréal, 7 avril 2018
Lisez l’original ici.