Politique de la nature
La prise en compte progressive des enjeux environnementaux, des systèmes sociaux et des modes de vie qu’ils impliquent a mis sur le devant de la scène un conflit apparemment insoluble entre économie et écologie. D’un côté, il y aurait une économie bâtie sur une rationalité purement instrumentale et considérant donc le monde comme un vaste stock de ressources plus ou moins rares. De l’autre, on aurait une écologie insistant sur les seuls rapports « naturels » existant entre l’humanité et son milieu, et minorant ainsi l’importance des rapports sociaux. Un certain nombre d’ouvrages récents tentent de mettre à mal cette opposition.
Alain Deneault, que l’on connaît pour ses travaux sur le « management totalitaire » (Lux, 2013), s’est lancé dans un « feuilleton théorique » en six études du concept d’économie, afin de restaurer les diverses acceptions du terme et d’en synthétiser les usages. Il envisagera ainsi une économie esthétique, psychique, etc. Il ouvre son feuilleton avec une Économie de la nature (1) qui rappelle que la notion originelle d’économie désigne l’étude générale de l’environnement dans lequel existe tout individu. L’expression même « économie de la nature » apparaît dans le vocabulaire des sciences au XVIIIe siècle, pour nommer l’imbrication des espèces dans des réseaux d’interaction. Elle va rapidement servir aux physiocrates, qui développent l’une des premières théories économiques et postulent que l’agriculture est la seule source de richesses. L’auteur reconstitue, d’un point de vue conceptuel, l’histoire de l’autonomisation de la science économique associée aux pratiques capitalistes, et de la réification progressive des ressources naturelles, jusqu’aux tentatives contemporaines de les isoler et de leur assigner une valeur économique — les abeilles en tant qu’agents pollinisateurs, par exemple. Au terme de son propos, Deneault convoque la figure de Murray Bookchin pour affirmer la nécessité d’une « écologie sociale » susceptible de réaffirmer le véritable sens de l’économie, science des interactions entre les humains et leur milieu.
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Guillaume Fondu, Le Monde diplomatique, janvier 2020.