Nonfiction.fr, 11 novembre 2010
Livre référence:
Le Mexique en armes
Le Mexique en armes
Le Mexique en Armes. Guérilla et contre-insurrection 1943-1981 de la journaliste mexicaine Laura Castellanos , publié en 2007 au Mexique par la maison d’édition Era sous le titre original México Armado. 1943-1981, est paru en 2009 en français chez Lux Editeur . Récit journalistique, fruit d’un travail collectif , Le Mexique en Armes rend compte de la genèse et de la vie des groupes armés au Mexique des années 40 au début des années 80. Il retrace de façon minutieuse l’émergence puis le déclin dans l’espace public de ces groupes armés, tour à tour frappés par la répression et travaillés par leurs divisions internes.
Les cinq parties qui constituent Le Mexique en Armes s’organisent selon un ordre chronologique et correspondent à différentes expériences régionales mexicaines. La première partie s’attache à la destinée de Rubén Jaramillo dans l’Etat du Morelos ; la seconde relate les aspects de la radicalisation de groupes étudiants au Chihuahua, héritiers des initiateurs de l’attaque de la caserne Madera en 1965 ; la troisième traite de la destinée de deux instituteurs du Guerrero: Lucio Cabañas Rojas à la tête du Parti des Pauvres (PDLP ) ainsi que Genaro Vásquez Barrientos et l’Association Civique du Guerrero ; la quatrième rend compte du déplacement qu’effectuent les groupes armés durant les années 70 des zones rurales vers les grandes villes du pays ; enfin, la dernière partie aborde la violence de la » guerre sale » au Mexique durant cette même décennie.
La préface de Carlos Montemayor insiste sur la continuité historique entre les luttes armées de ces années et l’époque actuelle, ainsi que sur la nécessité de faire ressurgir l’histoire de ces groupes et de leur répression en privilégiant la perspective de ces « combattants ». Enfin, ce livre s’achève sur un épilogue d’Alejandro Jiménez Martín del Campo : celui-ci met en évidence les échecs des voies légales pour juger les responsables de la répression policière qui a sévi au Mexique à l’encontre des membres de ces groupes.
L’auteure a mené pour cet ouvrage un travail titanesque de recueil de données diversifiées comprenant tant des archives de presse (locale et nationale, et de toutes tendances) que des documents personnels fournis par les protagonistes survivants. Cette enquête a été menée au moment de la mise à disposition du public par l’Archivo General de la Nación d’un ensemble de données relatives à la « guerre sale » , que Laura Castellanos a cependant décidé de ne pas exploiter afin de privilégier les témoignages des acteurs et témoins de cette époque . Elle a aussi pris le parti d’insérer au coeur du récit des actions spectaculaires de ces groupes des séquences de la vie quotidienne et intime des guérilleros, ces insertions narratives se basant sur les témoignages des survivants et des proches de ces derniers.
La logique de l’architecture générale de l’ouvrage n’est pas toujours aisée à appréhender, elle repose sur un ensemble de dates et de figures-clés analysés comme autant de symboles mobilisateurs pour ces mouvements armés. Parmi ces symboles, on relève principalement la révolution cubaine de 1959, l’assassinat de Jaramillo par les militaires en 1962, l’assaut manqué de la caserne militaire de Ciudad Madera mené au Chihuahua par l’instituteur Arturo Gámiz en 1965, la mort de Che Guevara, le massacre d’Atoyac en 1967 dans le Guerrero et les répressions des mouvements étudiants de 1968 et 1971 et enfin la loi d’amnistie en 1978. L’ensemble du texte est ainsi ponctué de chronologies extrêmement précises des événements retracés, produit de la multiplication et de la mise en écho des points de vue rétrospectifs.
Julie MÉTAIS