Naomi Klein sur la stratégie du choc
Ce soir, comme chaque semaine, deux essais sous les feux de la critique : « Les marchandises émotionnelles », sous la direction d’Eva Illouz (Premier parallèle) et « Le choc des utopies » de Naomie Klein (LUX). Deux livres qui explorent les nouveaux visages du capitalisme.
Nous parlerons tout d’abord du livre Les Marchandises émotionnelles, un ouvrage collectif initié et dirigée par la sociologue Eva Illouz, publié aux éditions Premier Parallèle, qui explore les liens entre consommation et émotions. Comment les émotions sont-elles devenues des marchandises ? C’est la question à laquelle tente de répondre cette série d’articles. Le second essai dont nous parlerons ce soir explore un tout autre aspect du capitalisme, signé de l’essayiste canadienne Naomi Klein Le Choc des utopies, il est publié chez Lux. La journaliste s’appuie sur un reportage qu’elle a fait à Porto Rico après le passage de l’ouragan Maria, pour illustrer ce qu’elle a appelé la « stratégie du choc », ou comment les désastres naturels deviennent le champ d’affrontement de deux visions du monde.
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Naomie Klein – Le choc des utopies
Deuxième temps de l’émission, je vous propose de nous pencher maintenant sur le livre de Naomi Klein, Le choc des utopies : Porto Rico contre les capitalistes du désastre. La journaliste et essayiste canadienne, est partie pour le journal américain de gauche The Intercept à Porto Rico, juste après le passage de l’ouragan Maria en 2017. On se souvient des images de dévastations, tout comme celles d’un Donald Trump complètement déconnecté qui balance, hilare, des rouleaux de papier essuie-tout à une population au désespoir.
L’auteure de la Stratégie du choc y trouve un nouvel exemple de sa théorie développée en 2008, et qui montrait comment un capitalisme du désastre avait vu le jour ces dernières années. A travers une série d’exemples, elle montrait comment les logiques de prédations, d’accaparement des terres, de privatisation des services publics profitaient des situations de crise. Porto Rico offre à ce titre un idéal type, une vision extrême de sa théorie car ce protectorat, où les habitants sont citoyens américains mais ne peuvent voter, est un espace d’expérimentation depuis longtemps : expérimentations néolibérales, agricoles ou financières on y reviendra.
Le choc des utopies, c’est selon Naomi Klein l’affrontement de deux logiques pour la reconstruction de Porto Rico : celle d’une classe d’ultrariches qui profite de ce paradis fiscal des caraïbes, et celle d’une population qui y voit une possibilité d’émancipation et d’expérimentation sociale et écologique.
Le point fort de l’ouvrage c’est l’évocation de l’auto-organisation d’une partie des portoricains pour palier ces situations de pénurie largement organisée. Par son reportage dans les fermes biologiques communautaires Naomie Klein nous montre qu’il y a des idées sur places et des pratiques de résistance qui permettent d’impulser un autre modèle de société. (Laurent Etre)
Le contre modèle communautaire, local, l’existence de mini réseaux d’électricité, l’agriculture biologique, l’organisation des écoles publiques, etc. ce n’est pas une utopie. Car l’utopie c’est le lieu qui n’existe pas. Ce que nous présente Naomi Klein ce sont des initiatives locales qui existent. L’utopie est elle du côté des libertariens qui veulent créer des ilôts en dehors de tout état pour préserver une forme d’égoïsme rationnel (…) (Eugénie Bastié)
Raphaël Bourgois, Avis critique, France Culture, 23 mars 2019.
Photo: • © Joe Raedle – Getty
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