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24 janvier 2016

montréalexpress.ca, 21 septembre 2010

Livre référence:
Le procès des Cinq

Le procès

Je ne parlerai pas de Kafka, quoique je pourrais. L’écrivain praguois du XIXe siècle m’a toujours beaucoup intéressé: tout ce que j’ai lu de lui m’a fait mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Non, c’est d’un autre procès dont je parlerai.

Vous vous imaginez tous que je parlerai de la Commission Bastarache, n’est-ce pas? Mais non! D’abord, la Commission Bastarache n’est pas un procès. Rien à voir…

Le procès dont je vous parlerai, je n’en connaissais à peine l’existence. Grâce à Lux éditeur – il se remet aujourd’hui à notre mémoire. Ce procès se tenait au tout début de 1971 et a été connu sous le nom Le Procès des cinq: Michel Chartrand, Pierre Vallières, Charles Gagnon, Robert Lemieux et Jacques Larue-Langlois y étaient accusés d’avoir été «illégalement et sans droit, partie à une conspiration séditieuse visant à un changement dans la Province de Québec, en préconisant l’usage de la force, sans l’autorité des lois…»

Avant de parler du procès en tant que tel et de la défense des cinq accusés, il vous faut savoir que ces hommes ont tous été arrêtés dans la nuit du 16 octobre, dans le cadre des rafles permises par la Loi sur les mesures de guerre imposées par le cabinet fédéral du premier ministre de l’époque, Pierre Elliot Trudeau.

Cinq mois de prison avant le procès: toutes les demandes de libération sous caution ayant été refusées aux accusés.

Il vous faut savoir aussi – pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir de cours d’histoire, ou qui ont moins de 35 ans, ou les deux – que cette loi des mesures de guerre a été imposée à la suite de l’enlèvement par deux cellules du FLQ de James Richard Cross (un diplomate britannique) et de Pierre Laporte (ministre du Travail dans le cabinet de Robert Bourassa). Je le spécifie parce que, lors d’un voyage récent à Québec, en écoutant aux tables d’un resto où je me sustentais paisiblement, six jeunes animateurs et chroniqueurs d’une radio de Québec se plaignaient du temps qu’on leur allouait pour présenter leurs topos: trois minutes! Mais qu’est-ce qu’on peut bien raconter pendant trois minutes sur un sujet? Heille, on me demande de faire un topo sur le FLQ pendant trois minutes, mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter? Puis une jeune fille, dans la jeune jeune trentaine: c’est quoi ça le FLQ, d’abord?

Me suis étouffé dans ma soupe…

M’enfin, je m’éloigne de mon sujet! Le procès des cinq, outre nous refaire un bout de notre culture historique, nous permet plusieurs autres choses: d’abord, admirer le courage et la verve des accusés. Ici – et comme toujours d’ailleurs –, nous côtoyons un Michel Chartrand d’une insolence et d’une répartie qui nous manquera longtemps, d’un courage, aussi, lui qui n’a pas peur d’accumuler les outrages au tribunal, quitte à passer encore plus de temps en prison. Nous y constatons aussi, non seulement la verve et l’éloquence, mais l’intelligence et la culture des cinq accusés, qui finiront par réussir, par la force de leur argumentaire, à faire casser l’accusation.

Mais nous y constaterons surtout que plus ça change, plus c’est pareil: un des arguments principaux des cinq pour exiger la cassation du procès: les accointances entre le juge Ouimet et le Parti libéral du Canada.

En ces temps de Commission Bastarache, où on agit comme si la nomination politique des juges était une grande nouveauté, la lecture du Procès des cinq remet plusieurs pendules à l’heure. Le procès se tenait il y a quarante ans.

Ah oui, pour terminer, si le livre au complet se dévore comme un petit pain de ma grande tante Yvonne, la préface, signée Louis Hamelin – qui lançait lundi soir son nouveau roman dans lequel il me tarde de plonger –, vaut à elle seule le déplacement.

Michel Vézina, montrealexpress.ca, 21 septembre 2010

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