L’Europe, un chantier permanent?
Et si les bâtiments du quartier européen de Bruxelles racontaient mieux que l’histoire politique, économique ou culturelle les limites d’une Union qui tente de se bâtir depuis 1957 ? C’est le pari du journaliste Ludovic Lamant, qui publie « Bruxelles Chantiers » (Lux, 2018).
La déambulation est définitivement le moyen privilégié pour essayer de comprendre et de donner du sens à une construction européenne qui semble plus que jamais en bute à l’incompréhension. Il faut peut-être – pour ne pas totalement sombrer dans l’indigestion face à la bureaucratisation, la complexité des traités, l’enchaînement des crises et, finalement, le match annoncé entre libéraux-progressistes et nationaux-populistes – s’attacher à voir l’Europe autrement, chercher les espaces dans lesquels la politique et une certaine vision peuvent encore se déployer.
Correspondant à Bruxelles pour Mediapart de 2012 à 201, Ludovic Lamant signe Bruxelles Chantier : une critique architecturale de l’Europe. Il y raconte le quartier européen par son architecture, et la construction européenne par ses choix – ou ses non-choix – urbanistiques. Pour comprendre l’UE faut-il commencer par parler aux architectes ?
Ludovic Lamant explique que son livre est né d’une peur : celle de se fondre dans le gris des murs et le beige des moquettes de Bruxelles.
Quand je suis arrivé dans le quartier européen, j’ai eu une première impression glaçante. J’étais inquiet par la masse de gris qui m’entourait. Je ne trouvais pas ce qu’on associe à une capitale politique traditionnelle.
Cette peur a par la suite donné lieu à une interrogation : et si le développement urbain un peu chaotique du quartier européen à Bruxelles en disait plus qu’il n’y paraît sur l’histoire de l’Union européenne et de son fonctionnement ?
En prenant exemple sur des historiens de l’art comme Patrick Boucheron ou Erwin Panofsky, Ludovic Lamant ne se contente pas d’une analogie entre architecture et politique, mais dresse aussi le constat du rôle intrinsèquement politique de l’architecture, que l’Union européenne n’a pas su assez prendre en compte selon lui :
Je pense qu’il y a un rôle politique de l’architecture qui a été mis de côté à Bruxelles.
Pour mener cette critique, Ludovic Lamant a conçu son ouvrage comme une enquête, en interrogeant des architectes, mais aussi des hommes politiques et fonctionnaires qui travaillent au sein des institutions européennes.
Olivia Gesbert, La grande table idées, France Culture, 29 avril 2019.
Photo: Chantier européen, © WOJTEK JAKUBOWSKI – AFP
Lisez et écoutez l’original ici.