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10 octobre 2022

L’engrenage du conspirationnisme: on a lu «Q comme Qomplot»

« Q comme Qomplot » (Lux) est un livre extrêmement touffu qui relève autant de l’enquête historique que de l’essai politique. Une véritable plongée dans la construction des complots à travers l’exemple, notamment, du mouvement QAnon.

 

WuMIng1, dont l’identité reste assez mystérieuse – même si la lecture permet de cerner un auteur ou un collectif d’auteurs italiens, largement marqués à gauche – commence par retracer la genèse de la mouvance QAnon. Tout commence en novembre 2017 sur le forum 4chan quand un certain « Q » (un niveau d’accréditation dans l’administration américaine, à laquelle « anon » est ajouté pour « anonyme ») qui se fait passer pour un haut fonctionnaire fédéral, annonce l’arrestation d’Hillary Clinton. Il assure alors que celle que l’on voit encore sur les plateaux télés est un clone.

« Q » annonce quelques jours plus tard que Trump va brouiller tous les médias mainstream et s’exprimer en public pour annoncer « le grand réveil », la « construction d’une nouvelle société qu’il dirigera aux côtés des militaires ». À côté de cela, « Q » propose une vaste description de l’Amérique dirigée par La Cabale, un groupe de politiciens (Barack Obama, Hillary Clinton), de people (Céline Dion, Beyoncé), de milliardaires (George Soros) qui gèrent l’État profond, adorent Satan et organisent rien de moins qu’un réseau de pédophilie… La sauce prend et se répand sur la plupart des réseaux sociaux et particulièrement Facebook.

« Fantasmes de complots »

D’ailleurs, WuMing1 se demande avec justesse pourquoi les membres de Qanon n’ajoutent pas Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, dans la liste des responsables qui contrôlent le gouvernement américain. Comme si les adeptes de Qanon avaient naturellement décidé d’épargner le patron du réseau social qui a le plus participé à la propagation de leur mouvement.

Le méta-complot continue avec la complicité d’une partie de l’ultra-droite américaine et des milieux New Age, « qui s’exposaient déjà à des dérives réactionnaires, peuplés comme ils l’étaient de gourous, de marabouts, de métaphysique bon marché, de références dénuées de critiques à des présumés savoirs antiques ». WuMIng1 ajoute à la montée en puissance de ces « fantasmes de complots », l’interaction avec la culture populaire et la facilité de diffusion qu’offre Internet. Largement alimentée par Donald Trump qui a participé à entretenir les délires apocalytpo-politiques du mouvement en légitimant l’idée d’une élection présidentielle détournée, Qanon aboutira à l’assaut et la prise du capitole en novembre 2021.

Outre la genèse de Qanon, l’auteur entend démontrer que les « fantasmes de complots » participent paradoxalement à la perpétuation du système, par le détournement d’attention que comporte l’adhésion aux complots. « Ceux qui croyaient aux fantasmes de complot tendaient à accuser de petits groupes de méchants au lieu de rechercher les causes systémiques » constate l’auteur.

Si la déconstruction des complots qui ont alimenté la mouvance Qanon est intéressante, parfois WuMing1 s’égare. S’il démonte la thèse qui affirme que le Covid a été fabriqué par Bill Gates, dans les pages sur les mouvements complotistes nés au moment de la crise du Covid, il entretient l’idée que le confinement, au-delà d’une mesure sanitaire, était un véritable instrument de contrôle des populations dans une période de « terreur ». Une hypothèse sans aucune preuve concrète dont les adeptes du complotisme eux-mêmes pourraient, sans problème, s’emparer…

Régis Soubrouillard, Marianne, 10 octobre 2022.

Photo: Le « Qanon shaman », l’une des figures de l’intrusion au Capitole en janvier 2021. MEDIA DRUM WORLD/MAXPPP

Lisez l’original ici.

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