Avec son tout premier livre, l’homme de 38 ans suit bien le conseil de Flaubert : il nous offre une porte ouverte inédite sur un milieu certes difficile, sale et odorant, mais pour lequel il a développé un réel attachement.
Au fil des 144 pages de son essai, on observe donc à ses côtés cet univers qui vient avec son vocabulaire, ses codes bien précis et sa hiérarchie entre ceux qui ramassent les ordures («les vrais»), le recyclage («les amateurs») et le compost.
Derrière le truck, en parcourant Montréal et ses arrondissements, Simon Paré-Poupart dessine toute une faune méconnue.
Entre les bacs pleins à ras bord ainsi que les sacs éventrés et leur contenu putride, on croise des vidangeurs comme Spandex, Ti-Chris, le vieil André ou Beaujeunehomme; des criminels, des drogués ou d’anciens prisonniers; des gars au passé (ou au présent) compliqué, mais qui ont le courage de travailler fort physiquement, malgré les tempêtes, les canicules et les risques de blessures.
Solidaires
C’est dans cet «anticonformisme» et cette «farouche indépendance» que naît en partie la solidarité entre les vidangeurs. Et si ce sentiment de communauté a happé Simon Paré-Poupart dès ses débuts, à l’aube de la majorité, il lui a également donné envie de rester.
Encore à ce jour, même s’il est dorénavant diplômé universitaire, le père de famille tient à faire sa run quelques jours par semaine.
«[Les éboueurs], ce sont des gens qui triment dur, qui ont eu la vie dure. Et je trouve ça dommage que ça ne soit qu’eux qui doivent faire ce métier-là.»
«[Ramasser] les vidanges, ça pourrait être un service public. […] Ce serait une belle tâche qu’on pourrait donner à nos jeunes plutôt qu’un service militaire. Ça les sensibiliserait sur la consommation, leur permettrait de côtoyer des gens de milieux socio-économiques différents», propose le titulaire d’une maîtrise en gestion internationale.
De manière générale, avec Ordures!, Simon Paré-Poupart espère surtout semer de la bienveillance envers ce métier exigeant où «le regard de l’autre peut même être violent» à certains moments.
Miroir de la société
Malgré son attachement pour le métier d’éboueur, Simon Paré-Poupart ne porte toutefois pas de lunette rose lorsqu’il raconte ses anecdotes. Au contraire, Ordures! est habité par son souhait de nous faire réfléchir collectivement sur ce grand «système» qu’est «la gestion des matières résiduelles».
Appuyé tant par des références littéraires que scientifiques, Ordures! fait état d’une roue qui ne tourne pas tout à fait rond… Mais son auteur est loin de vouloir culpabiliser le public, même si ce dernier est invité à «prendre ses responsabilités».
Même s’il a lui-même dû soulever des sacs de feuilles trop lourds et non réglementaires ou encore des bacs remplis de matériaux de construction qui auraient dû prendre le chemin de l’écocentre, l’auteur croit qu’il faut avant tout sensibiliser les gens à la réduction des ordures et au tri.
«Ça demande un désir des autorités pour prendre le temps de sensibiliser [les gens]. Mais puisque le déchet est toujours relégué à la marge, puisqu’on le trouve encombrant, ce qu’on veut surtout c’est qu’il disparaisse. Se poser des questions sur les déchets, c’est ouvrir la porte à devoir en prendre soin», estime-t-il.
Simon Paré-Poupart n’a pas l’intention d’en rester là: plusieurs autres projets d’écriture l’attendent. Au Québec, on trouve peu d’ouvrages qui analysent sous un angle sociohistorique nos ordures, selon lui.
«Mes références sont françaises, américaines… C’est comme si on n’avait pas eu notre propre réflexion sur nos déchets. C’est peut-être ce qui explique, en partie, pourquoi on jette autant», conclut-il.
Ordures! est offert en librairie.
Léa Harvey, Le Soleil, 21 septembre 2024.
Photo: Josie Desmarais/La Presse
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