Le soir, 9 novembre 2012
« En Europe, le Parti démocrate serait un parti d’extrême droite »
William Bourton
Entretien
Pour le journaliste « dissident » Chris Hedges, Obama et Romney, c’est quasi chou vert et vert chou. On aurait tort, en tout cas, de considérer le Parti démocrate comme une force progressiste… Comme il l’explique dans son dernier essai, La mort de l’élite progressiste, cette tendance a d’ailleurs été virtuellement rayée de la carte politique américaine.
« Les progressistes ont fait trop de concessions à l’élite du pouvoir. » « Ils ont succombé à l’opportunisme puis à la peur en entraînant avec eux leurs institutions. » « Ils ont renoncé à leur fonction morale. » « Ils n’ont pas dénoncé les abus des milieux d’affaires quand ils en avaient l’occasion et ont banni de leurs rangs ceux qui osaient le faire »… Vous êtes très sévère avec la gauche américaine !
À tous égards, la gauche américaine a cessé d’exister. Elle a été systématiquement détruite dans la longue nuit de notre guerre permanente contre le communisme. Dans les années 50, au fil des auditions de la House Un-American Activities Committee (la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur les activités anti-américaines, NDLR), des milliers de professeurs d’université, d’enseignants du secondaire, d’écrivains, de réalisateurs, d’acteurs, de musiciens, de dirigeants syndicaux, de travailleurs sociaux, de journalistes, de fonctionnaires et de responsables gouvernementaux ont été expulsés des institutions. Les mouvements populaires, du Parti communiste aux socialistes et aux mouvements anarcho-syndicaux ont été décimés. Les institutions traditionnellement « libérales » (au sens américain du terme, c’est-à-dire « progressistes »), qui auraient pu imposer une série de réformes du système, ont été tellement purgées de l’intérieur que, dans les années 60, un abîme est apparu entre les syndicats traditionnels, comme l’AFL-CIO – qui a soutenu la guerre au Vietnam – et la Nouvelle Gauche. Cela a conduit à l’émergence de « faux libéraux », incarnés par des hommes politiques comme Bill Clinton et Barack Obama, qui parlent le langage compassionnel traditionnel des libéraux mais trahissent
les intérêts de ceux qu’ils prétendent servir. Quand on étudie ses positions, le Parti démocrate serait un parti d’extrême droite en Europe !