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Portrait photo de Vijay Prashad.
13 janvier 2024

«Le retrait»: encore une fois Noam Chomsky

Il y a du Noam Chomsky dans le fond de l’air d’ici. Après la présentation de l’installation d’immersion virtuelle Chom5ky vs Chomsky à l’ONF l’automne dernier, voici que la maison d’édition québécoise Lux lance une traduction du livre The Withdrawalproposant une série d’entrevues avec le plus célèbre gauchiste radical des États-Unis d’Amérique, maintenant âgé de 95 ans.

Son compatriote d’origine indienne, Vijay Prashad, directeur de l’institut Tricontinental, mène les échanges. Chomsky se décrit comme un socialiste libertaire ou un anarchiste. Prashad se présente plutôt comme un marxiste d’assez stricte obédience. Les deux se rejoignent dans une critique acharnée du capitalisme, de l’impérialisme et du colonialisme ancien ou nouveau.

Les échanges entre les deux intellectuels engagés portent sur les guerres menées par leur pays au Vietnam, au Proche et au Moyen-Orient, mais aussi au passage en Amérique latine, dans les Caraïbes et ailleurs dans le monde. Chaque fois, en traversant au pas de charge sept décennies d’interventions militaires américaines, avec leurs millions de morts comptés, l’analyse déchiquette les versions officielles (« répandre la démocratie », « repousser le totalitarisme »…) au profit d’une thèse centrale voulant que les États-Unis constituent la plus grande force perturbatrice et prédatrice de notre temps. Même les pays communistes, y compris l’URSS, sortent avec une image plus positive dans cette démonstration déstabilisante.

« Nous régnons sur le monde, dit Chomsky en parlant de l’imperium mundi. Si certaines de nos innombrables victimes demandent ne serait-ce que l’ouverture d’une enquête sur nos crimes, nous leur répondons : “Désolé, le parrain est intouchable.” Voilà qui résume bien la situation. »

Les formules lapidaires du genre abondent. Donald Trump est décrit comme « le criminel le plus dangereux de l’humanité » puisqu’il n’a rien fait et ne veut toujours pas intervenir pour empêcher la catastrophe environnementale imminente qui menacerait notre existence même. George W. Bush est surnommé « le cinglé ».

Les questions de Prashad s’avèrent beaucoup moins efficaces. Il s’éternise inutilement et finit ses exposés en queue de poisson. Chomsky, par contre, reste fidèle à sa réputation de limpidité. Il ne jargonne jamais et cite une multiplicité de sources allant de rapports de la CIA à des textes d’opinion parus dans les grands journaux. Il finit évidemment par matraquer le système d’éducation et les médias qui ne feraient qu’ânonner l’idéologie des maîtres. Manufacturing consent

Cette démonstration représente au total un concentré efficace et succinct de la doctrine Chomsky. Son pédagogisme se confirme aussi en visionnant sur Netflix le documentaire Requiem for the American Dream, exposant ses dix principes d’organisation de la concentration de la richesse dans le capitalisme contemporain. Il y a vraiment beaucoup de Noam Chomsky dans l’air…


Stéphane Baillargeon, Le Devoir, 13 janvier 2024.

Lisez l’original ici.

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