le Monde Diplomatique, avril 2011
Livre référence:
La pensée politique de Gramsci
La pensée politique de Gramsci
Pierre Rimbert
Plus souvent citées que lues, les réflexions théoriques d’Antonio Gramsci figurent pour l’essentiel dans les Cahiers de prison rédigés entre 1929 et 1935 dans les geôles de Mussolini. Le dirigeant du Parti communiste italien y entreprend une actualisation du marxisme afin d’expliquer l’échec des révolutions européennes de l’après-première guerre mondiale : que l’écrasante majorité des travailleurs n’ait pas basculé vers le socialisme tiendrait notamment à l’emprise idéologique de la bourgeoisie sur les masses — à son hégémonie culturelle. Ecrits fragmentaires, désarticulés et souvent sibyllins, les Cahiers restent d’accès difficile.
Initialement publié en 1970, l’ouvrage de Jean-Marc Piotte en donne une interprétation à la fois claire et cohérente. Il suit un fil rouge de la pensée gramscienne, la notion d’intellectuel. Qu’il exerce au sein des institutions culturelles de la classe dominante (école, médias) ou dans les organisations ouvrières, « l’intellectuel a pour fonction d’homogénéiser la conception du monde de la classe à laquelle il est organiquement relié ». D’éveiller les membres d’un groupe social à la conscience de leur communauté d’intérêts et de « les orienter vers la formation d’une volonté collective ». Pour s’emparer du pouvoir, une classe doit dépasser ses intérêts immédiats et « étendre son hégémonie sur l’ensemble de la société ». La bataille idéologique compte. Il incombe au parti, véritable intellectuel collectif, de la mener. Pour Gramsci, l’idéologie n’est pas seulement illusion, mais aussi connaissance. Et, « en ce sens, la connaissance est pouvoir ».
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