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24 janvier 2016

Le Devoir, 17-18 octobre 2009

Livre référence:
Histoire de la Révolution mexicaine

Histoire – Le Mexique contre quatre siècles

Fait unique depuis la conquête des Amériques par les Européens, un pur Amérindien, Benito Juárez, devient chef d’État en 1858. Avocat né dans la pauvreté, ce président libéral et démocrate du Mexique repousse les envahisseurs français. Mais, en 1876, un militaire, Porfirio Díaz, prend le pouvoir. Puis, après 34 ans de tyrannie, éclate la révolution…

Toutes ces choses, il faut les avoir à l’esprit pour saisir la signification du changement social survenu entre 1910 et 1917, le premier du XXe siècle. Un témoin actif, Jesús Silva Herzog (1892-1985), le raconte dans sa célèbre Histoire de la Révolution mexicaine, enfin traduite en français d’après l’édition espagnole remaniée de 1972.

Il y souligne que l’objet de la révolte, élément nécessaire à la compréhension de toute l’Amérique hispanique, prend sa source au XVIe siècle. «Il n’est pas hasardeux de dire, écrit l’intellectuel mexicain, que la plupart des maux dont a souffert notre pays ont eu pour origine l’inégale et injuste répartition des terres depuis le début de la domination espagnole.»

Juárez avait cru que la nationalisation des biens immobiliers du clergé favoriserait l’essor de la petite propriété en réduisant la mainmise d’un nombre très restreint de grands propriétaires sur la plupart des terres, celles où travaillaient des paysans asservis, en particulier des ouvriers agricoles amérindiens. Mais, à cause de l’avidité des petits propriétaires, prêts à vendre leurs terres au plus offrant, la concentration agraire s’accentua.

La longue dictature de Díaz confirma la situation. Conséquence de la grogne populaire, la révolution, dirigée par un grand bourgeois progressiste, Francisco I. Madero, devint inévitable.

Historien de gauche étranger au marxisme et à toute autre orthodoxie, Herzog voit en Madero, qui renversa Díaz en 1911, un président «sincère et idéaliste», mais incapable de «comprendre les problèmes vitaux du Mexique». Ce jugement nuancé tient compte des multiples luttes intestines et de l’extrême complexité du mouvement révolutionnaire, phénomènes incontrôlables qui entraînèrent l’assassinat de Madero dès 1913.

Les «problèmes vitaux du Mexique» se rapportent, bien sûr, à la redistribution des terres aux paysans. Défenseurs généreux mais brouillons et rustiques de ces opprimés, Emiliano Zapata et Pancho Villa mèneront une lutte plus radicale que celle de Madero, avant d’être assassinés à leur tour.

Quoiqu’elle fût un pas certain vers l’égalité sociale, la Révolution mexicaine a manqué, comme le souligne si bien Herzog, «de l’élan créateur qui transforme dans ses racines non seulement la structure d’une société, mais aussi la conscience et la vision du monde des individus qui la composent». Comment douter que seul un profond changement des mentalités eût pu éradiquer le cercle vicieux de la pauvreté, légué par près de 400 ans d’injustice criante?

***
HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION MEXICAINE

Jesús Silva Herzog
Lux
Montréal, 2009, 320 pages

Michel Lapierre, Le Devoir
17-18 octobre 2009

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