Le Devoir, 12 et 13 mai 2007
Livre référence:
La dette : règlement de comptes
Êtes-vous économiquement responsable ?
[…]
Que faire de la dette nationale ?
À droite et au centre, chez ceux qui s’autoproclament « lucides », le discours de la responsabilité économique prend une autre forme, c’est-à-dire celle de l’appel à un remboursement de la dette nationale. Avoir une dette, individuellement ou collectivement, n’est, en effet, jamais réjouissant. Encore faut-il, quand on se penche sur la question, savoir à quoi l’argent ainsi dépensé a servi et évaluer les bénéfices et les inconvénients des divers types de gestion de cette dette.
Dans la foulée du récent essai de l’économiste Louis Gill intitulé Rembourser la dette publique : la pire des hypothèses (chaire d’études socio-économiques de l’UQAM, 2006), le comptable et militant de gauche Gaétan Breton signe La Dette : règlement de comptes, un essai qui dénonce « la vaste entreprise d’intimidation » menée par les lucides et consorts.
Selon Breton, ce discours selon lequel il faudrait rembourser de toute urgence la dette du Québec pour éviter la faillite à moyen terme et ne pas créer d’iniquité intergénérationnelle est « une nouvelle version du coup de la Brinks » et relève du « terrorisme économique et intellectuel ». Il ne viserait, en fait, qu’à justifier « la diminution des services sociaux et la privatisation de ceux qui resteront ».
Fort en chiffres, le comptable montre que la dette québécoise, comparée à celle d’États semblables, n’est pas catastrophique, est peu dépendante des marchés étrangers, ne tient pas compte de certains actifs (la forêt, par exemple) fort appréciables et diminue sans cesse en proportion du PIB dans la mesure où le déficit est contrôlé. Il qualifie le Fonds des générations d’« aberration totale », notamment parce qu’il refuse d’imposer des redevances aux embouteilleurs d’eau commerciaux. Il rappelle aussi que les baby-boomers, dans le dossier de la dette, ne doivent pas être montrés du doigt parce qu’ils « ont, en grande partie, financé la construction du Québec moderne ». Aux obsédés de la création de richesse à tout prix, il fait remarquer que « la qualité de vie […] semble davantage liée à la dépense publique par habitant qu’au PIB par habitant ». Au passage, il indique que le fédéral rembourse sa dette sur le dos des provinces, et il décortique et dénonce le scandale de la dette du Tiers-Monde. Breton nous dit, tout compte fait, que la responsabilité simpliste des soi-disant lucides est irresponsable.
Louis Cornellier
Le Devoir, 12 et 13 mai 2007