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24 janvier 2016

Le couac, aout 2009

Livre référence:
L’éthique du vampire
La « guerre à la guerre » de Dupuis-Déri

Bel atterrissage chez nos libraires que cet Éthique du vampire de Francis Dupuis-Déri ! (1) Notre collaborateur y écrit que « personne ne prendrait au sérieux un vampire qui prétendrait agir pour le bien de sa victime, alors même qu’il le saigne à mort. » Les 340 pages servent à démontrer cette aberration. De là, cette « guerre à la guerre » qu’a entreprise un FDD qui ne semble craindre que soit mise en cause sa crédibilité de chercheur même quand il se propulse à l’avant-scène de l’actualité. Comme au départ de sa soldate de sœur pour Kandahar.

« Nous nous sommes recueillis, écrit-il, devant nos télévisions pour suivre en direct la première guerre contre l’Irak. Nous observions dans notre téléviseur des avions de guerre voler dans le ciel vide et des éclairs d’explosions dans le ciel de Bagdad, une ville qui semblait déserte sur nos écrans de télévision. Des cadavres, nous n’en avons pas vus, ou si peu. (,,,) J’allais être marqué à vie, dix ans plus tard, par ces images qui tordent le ventre d’Américains sautant du haut des tours en flamme du World Trade Centre. (…) Mais en 1991, je ne vis aucun des Irakiens prisonniers du brasier de l’ “autoroute de la mort”, ni entendu le témoignage d’aucune des mères, épouses, ou enfants d’une de ces victimes ». (2) À la mi-février 1991, les autorités irakiennes avaient accepté un retrait de leurs troupes du Koweït, mais Washington n’en a pas tenu compte et, dans la nuit du 27 février, l’aviation américaine bombarda sans relâche le long convoi de camions remplis de soldats en retraite. « Le massacre de l’autoroute de la mort, n’était que le point culminant de la destruction systématique d’un pays. » (3)

Dans sa guerre contre l’Iran, l’Irak avait bien servis les intérêts de l’Occident : Khomeiny était alors l’homme à abattre et Washington aida Saddam. L’Iran vaincu, celui-ci devenait la nouvelle menace, d’où la guerre du Golf de papa Bush et le blocus économique causant la mort de milliers de petits irakiens. D’où la guerre du Golf de fiston Bush provoquée sous le faux prétexte que l’on sait.

Faux prétextes et mensonges également en Afghanistan. « Suite au 11 septembre, écrit FDD, Bush II a d’abord expliqué qu’il engageait une guerre contre Ben Laden. Il exigeait d’ailleurs des taliban qu’ils le lui livrent, faute de quoi les États-Unis attaqueraient l’Afghanistan. Les taliban avaient répondu le 22 septembre en demandant des preuves permettant de justifier l’arrestation et l’extradition de Ben Laden. Bush II avait refusé de fournir la moindre preuve ; il préparait déjà l’invasion de l’Afghanistan qui débuta le 7 octobre. » (4) Durant son long périple en voiture fait au lendemain du 11 septembre, FDD a été en mesure de saisir tout le désir de vengeance qui, face à l’humiliation, tenaillait les Étasuniens. Bon prétexte pour Bush, même si de plus stratégiques facteurs ont fait qu’il a décidé d’envahir l’Afghanistan.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le monde était divisé en deux : d’un côté, les pays capitalistes, de l’autre, les communistes ayant comme épicentre une Union soviétique tentant de propager sa bonne nouvelle aux pays d’Europe nouvellement libérés du nazisme. De gré ou de cœur face au danger de propagation du collectivisme, les élites washingtoniennes ont accepté le welfare state, l’État-providence. Le mur de Berlin tombé, cette concession n’a plus tenu, et Dupuis-Déri signale que c’est depuis que le warfare state a débouté le welfare state parce que plus susceptible de juguler le nouveau Mal : le fondamentalisme musulman.

Quel pactole que ce warfare state pour les industries d’armement de la trempe d’Haliburton ! Même si la lutte contre l’islamisme ne passe pas nécessairement par une guerre contre un État en particulier, mais contre des groupes qui, hors les kamikazes, s’évanouissent dans la nature après tout attentat réussi. Ce fait ne dérange aucunement notre vampire. Il engage le combat d’abord contre l’Afghanistan, pour ensuite s’attaquer à un Irak dirigé par un parti Bass en pratique areligieux. Et, on s’en doutera, il y a ici forte odeur de pétrole. Et besoin d’hégémonie.

Des milliers de morts plus tard, rien ne va plus en Afghanistan. Depuis la chute des talibans, écrit Dupuis-Déri, le parlement afghan est dominé par d’anciens chefs de guerre corrompus dont l’intégrisme n’a rien à envier aux talibans. À Kaboul, de plus en plus de femmes portent la burqua, et on atteint des records en nombre d’Afghanes qui se suicident pour cause de mariage forcé.

Et que nous rapportera au Québec ce warfare state ? Certains souhaitent que nous ayons notre part de dépenses militaires. Mais au-delà de cette préoccupation qui ne tient aucunement compte des drames que sèment les engins de mort, que nous rapporte le warfare state ? Dupuis-Déri répond qu’ici nous suivons la tangente étasunienne : accroissement des budgets militaires qui diminuera d’autant l’argent nécessaire à l’éducation, à la santé et aux services sociaux. L’écart entre les riches et les pauvres s’accentuera. Et parmi ces derniers, ce sont les noirs aux Etats-Unis et les autochtones au Canada, nous signale FDD, chez qui l’on dénote le plus grand nombre de volontaires prêt à courir le risque, au hasard d’une simple patrouille, de devenir de la bouillie sous l’effet d’une bombe artisanale.

Le 3 juillet dernier, j’étais à Québec afin de commémorer le 400e anniversaire de la ville. Francis y était également, mais nous n’étions pas de la même manif. Il était parmi ceux qui protestaient contre la trop grande présence de l’armée à ces réjouissances alors qu’avec d’autres, je le faisais contre le manque de substance historique de la commémoration. J’aurais pu être avec Francis malgré que m’aurait tout probablement gêné la trop grande présence de drapeaux rouges et de drapeaux noirs flottant au dessus des manifestants. Et du trop peu de fleurs-de-lysée.

La lecture de L’Éthique du vampire ne m’ayant pas convaincu que l’anarchisme saura un jour libérer le monde du workfare state – ou du warfare state -, c’est bien là le plus grand point de divergence entre nous.

(1) Francis Dupuis-Déri, L’étique du vampire, de la guerre d’Afghanistan et quelques horreurs du temps présent, Lux, Montréal, 2007 (2) pages 58 et 59 (3) page 61 (4) page 101. – Par rigueur grammaticale sauf pour les citations, FDD n’ajoute pas de s parlant « des taliban ».

Claude G. Charron

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