L’Agitateur d’idées, 31 mars 2010
Livre référence:
Révolutionnaires du Nouveau Monde
Goaziou, l’anar français d’Amérique
Pendant près de quarante ans, de 1885 à 1922, le socialisme eut son heure de gloire aux Etats-Unis. Et parmi les animateurs de ce mouvement, il y eut des Français ! Des exilés de la Commune de Paris, des mineurs du Nord de la France et un Breton qui se découvrit socialiste Français aux Etats-Unis.
Il s’appelait Louis Goaziou. Un enfant du Finistère, élevé dans une famille pauvre. Éduqué dans une institution religieuse, il aurait pu devenir prêtre. Il en est sorti anarchiste et s’embarque en 1880 pour les États-Unis. Pendant trente ans, il sera mineur à Houtzdale, en Pennsylvanie. C’est là qu’il fonde son journal Le Réveil des mineurs puis l’Union des travailleurs avant de rejoindre le Parti socialiste d’Amérique (PSA) créé par le cheminot Eugène Debs en 1901.
L’histoire de ces drôles de Français qui ont rêvé d’apporter l’esprit de la Commune dans le rêve américain est racontée par Michel Cordillot dans Révolutionnaires du Nouveau Monde (1). Bien sûr cette aventure de la mouvance radicale francophone a joué un rôle moindre dans l’histoire sociale des Etats-Unis que celle des immigrés allemands ou italiens.
Mais ces blanquistes de Pennsylvanie, des fouriéristes du New Jersey, ces utopistes de Californie ont aussi des choses à nous dire sur le rêve américain et sur les migrations transatlantiques à la fin du XIX e siècle. Pour Michel Cordillot, historien de la civilisation américaine à l’Université de Paris 8, il faut toutefois raison garder sur le nombre de ces militants et sympathisants du mouvement social francophone.
« Est-ce dire qu’il y aurait eu aux Etats-Unis des milliers, voire des dizaines de milliers de Français « rouges » durant les premières années du XX e siècle ? La réponse est bien entendu non. » D’autant que ces rebelles du Nouveau Monde se sont étiolés au moment de la Première guerre mondiale avec l’entrée en guerre des Etats-Unis et la révolution bolchévique, pour finir, eux qui étaient arrivés pauvres et révoltés par les excès du capitalisme, par accorder leur utopie au rêve américain.
Laurent LEMIRE, L’Agitateur d’idées,
31 mars 2010
(1) Révolutionnaires du Nouveau Monde de Michel Cordillot, Lux, 210 p., 13 €.