L’Action nationale, mars 2007
Livre référence:
L’Injustice en armes
L’Injustice en armes
Ce petit livre est constitué d’un recueil d’articles qui ont été publiés dans L’Action nationale, Le Couac, L’Inconvénient, en 2004 et 2005. Il est le troisième d’une trilogie qui comprend La Justice en tant que projectile et La Dictature internationale parus dans la même bonne petite collection « Lettres libres » de Lux Éditeur. Ces textes sur « la politique impérialiste des États-Unis » et le capitalisme sont remarquables par leur concision et par la finesse et la pénétration de leur analyse. On remarquera le caractère alarmant de chacun des titres. Or, à mesure que le temps passe, la justesse de l’analyse de Vadeboncoeur devient de plus en plus évidente, et je dirais de même que le fourvoiement de la politique internationale.
Le 19 septembre 2002, dans l’Avant-propos de La Justice en tant que projectile, au lendemain de la décision de l’Irak d’ouvrir ses frontières aux inspecteurs des Nations unies, ce que réclamait la communauté internationale, et ce qui servait de prétexte à l’intervention américaine si l’Irak n’obtempérait pas à cette injonction, Vadeboncoeur écrit : « La détermination américaine de faire la guerre, dépassant cette fois avec la plus grande évidence les données de la situation est apparue nue, indépendante des circonstances, indifférente à tout ce qui n’est pas la résolution pure et simple d’entrer militairement dans ce pays. » Les États-Unis menaçaient d’envahir l’Irak qui n’acceptait pas jusque-là que les organismes de l’ONU aillent vérifier si ce pays possédait des armes de destruction massive. Ce dernier se pliant à la volonté de l’ONU, les raisons de l’attaquer tombaient. Le gouvernement américain était confus. « La guerre allait lui échapper ! Non pas la paix, mais la guerre. Juste l’opposé, en fait. La guerre, considérée comme absolument nécessaire d’elle-même. » Je cite ces lignes pour donner une idée de l’écriture de Vadeboncoeur. Une écriture critique, démystificatrice. La guerre contre l’Irak pour défendre la liberté ! Une « guerre préventive ». Une immense duperie. La raison de cette déclaration de guerre des États-Unis, « c’est le pétrole. La géopolitique du pétrole. La propriété du pétrole ».
Vadebobcoeur précise que ces trois écrits appartiennent à « la littérature engagée ». C’est une « littérature d’action et, si l’on peut dire, de résistance » (p. 6). Un acte de liberté, de contestation. Il est solidaire du mouvement de contestation de l’altermondialisme qui trouve un certain appui dans « les structures autonomes des pays ou nations », et dans l’ONU. Ce qui est capital, c’est que la résistance au capitalisme et à l’impérialisme américain ne cesse pas.
Chacun des courts textes du recueil aborde l’un ou l’autre aspect de ce thème central. On nous invite à penser à la situation du peuple irakien qui subit tous les jours les effets de la déflagration de la violence. « Cette approche fait voler en éclats le verbiage démocratique de Bush. » (p. 19) Il faut aussi savoir que ce recours à la violence ne fait que provoquer une réaction violente et que les agresseurs alimentent le terrorisme. Vadeboncoeur croit qu’ « une mécanique apocalyptique est en place » (p. 25), et que pour la freiner, il faudrait opérer un changement radical, recourir à une utopie. Mais cela est-il possible ? Il faudrait une véritable révolution de la pensée, de la politique, Nous n’en sommes pas là, nous n’allons pas dans cette direction : « Le problème tel qu’on le présente est cousu de mensonges. C’est d’ailleurs pourquoi on le confie à la force, parce que c’est le dernier argument. Le reste n’est que verbiage. » (p. 45)
Par ailleurs, Vadeboncoeur, en observateur attentif de la réalité internationale, attire l’attention sur l’intervention de la rue dans les grands débats politiques. Il voit là une nouvelle forme de vie démocratique qui met en question le système autoritaire impérialiste, incarnation de la droite internationale. Ses réflexions sur le terrorisme qu’il oppose à la révolution sont éclairantes. « Le terrorisme n’est que tentative de force sans la force, ce qui est la formule de son échec », écrit-il. « Une révolution n’a rien à voir avec le terrorisme. » (p. 91) Et ce qui est certain, c’est que le terrorisme n’est pas près de s’arrêter.
Les réflexions de Vadeboncoeur sur le rôle des médias dans ce contexte sont éclairantes, mais consternantes. L’opération Tonnerre lancée par l’Irak, la guerre une fois terminée (!) est pire que la guerre. Les médias ne rendent pas compte de son horreur. « La censure est totale… Les attentats terroristes font la manchette, mais la répression ne fait même pas les nouvelles. » (p. 95)
Il est beaucoup question de l’impérialisme américain dans le livre de Vadeboncoeur. Il en dénonce l’arbitraire et l’hypocrisie. Cependant, ce qu’il montre très bien, c’est qu’il est impossible qu’un pays domine l’univers. « Washington poursuit ses chimères. » Il suffit de considérer ce qui se passe en Irak. « L’ambition impérialiste américaine est un rêve et un cul-de-sac ; une illusion de la force encore une fois, entretenue par des hommes d’affaires et des politiciens. » (p. 116)
Certains prétendent que la critique que formule Vadeboncoeur de la politique internationale des États-Unis relève de l’antiaméricanisme. Or cette critique est basée sur des faits incontestables. La notion de « guerre préventive » est une aberration. Les États-Unis envahissent l’Irak sous prétexte que ce pays envoie des terroristes aux États-Unis, ce qui est une pure affabulation. À la fin de 2005, voici que l’on apprend qu’existent des prisons américaines secrètes dans sept ou huit pays, que les Américains ont utilisé des bombes à phosphore en Irak, ce que condamne le droit international, que l’armée américaine recourt à la torture avec l’approbation des autorités, que Bush est déterminé à imposer son veto à toute loi interdisant la torture (p. 132), etc., etc. Si c’est de l’antiaméricanisme que ce condamner ces horreurs, ce serait criminel de ne pas être antiaméricain !
J’ai essayé de dégager certains aspects de la pensée et de la démarche de Pierre Vadeboncoeur, mais on ne peut en quelques pages, rendre compte de la portée de cette réflexion. Son livre, divisé en petits chapitres courts, précis, denses, est d’une lecture très agréable mais agressive. Il est un véritable cri d’alarme. Espérons qu’il sera entendu avant qu’il ne soit trop tard.
Paul-Émile Roy
L’Action nationale, mars 2007