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24 janvier 2016

La presse, 21 avril 2011

Livre référence:
Elles ont fait l’Amérique

Elles ont fait l’Amérique: la traversée du continent

Après sa série radiophonique De remarquables oubliés portant sur la vie de négligés de l’histoire officielle, l’anthropologue Serge Bouchard, avec l’aide de sa compagne Marie-Christine Lévesque, a choisi de présenter 15 femmes qui, chacune à sa manière, ont façonné le visage de l’Amérique du Nord.

Marie Iowa Dorion, Suzanne La Flesche Picotte, Marie-Josèphe-Angélique, Marie-Anne Gaboury ou encore Emma Lajeunesse, dite l’Albani, ne sont bien souvent que des notes en bas de page dans quelques rares manuels d’histoire.

Pourtant, chaque fois qu’il lisait ces noms et plusieurs autres, Serge Bouchard tressautait et prenait des notes. À force de voir certains personnages secondaires de l’histoire apparaître dans différents épisodes, parfois sans lien apparent entre eux, l’anthropologue a voulu en savoir plus et a dépoussiéré ces «remarquables oubliés».

C’est ainsi qu’est née la série que l’on peut entendre sur les ondes de la Première Chaîne, et c’est dans la foulée de la série qu’est venue l’idée de publier l’histoire de quelques-unes d’entre elles, à commencer par une quinzaine. Dans Elles ont fait l’Amérique, paru il y a deux semaines chez Lux Éditeur, Marie-Christine Lévesque et Serge Bouchard proposent une vision d’un continent pluriel, défriché et construit petit à petit par des personnages peu connus, mais importants.

«Depuis toujours, je suis passionné de territorialité et d’amérindianité, explique Serge Bouchard. Ça fait plus de 40 ans que je parcours l’Amérique par voie terrestre et que je me pose constamment la question «Où suis-je? Qui était là avant?»»

Choix déchirants

Les deux coauteurs avouent que les choix ont été déchirants parmi toutes ces «oubliées». «On a mis de côté les noms les plus connus ou ceux que les gens pensent connaître le plus. Marie de l’Incarnation, Jeanne Mance ou Irma Levasseur, par exemple», explique Marie-Christine Lévesque. La notoriété ne faisait pas foi de tout non plus. «Un des critères était la territorialité, il fallait couvrir tout le continent, ajoute Serge Bouchard. Il y a un message politique derrière tout ça. Nous sommes des enfants de l’Amérique, un mélange culturel et biologique. Nous ne sommes pas des vieux Français, mais bien des Américains.» Et c’est pour ces raisons que l’on trouve aussi bien des autochtones, des métisses, des francophones et des anglophones dans ce livre, dont l’une des trames principales est ce curieux mélange entre Amérindiens et Européens au fil des premiers siècles de cohabitation.

Par exemple, c’est avec le récit de Shanadithit, connue comme la dernière des Béothuks, que le couple sort de l’oubli le génocide de ce peuple qui a habité Terre-Neuve jusqu’au XVIe siècle. Les occupants anglais avaient alors l’autorisation de tirer à vue sur tous les Béothuks qu’ils rencontraient. Ceux qu’ils ne tuaient pas se faisaient bien souvent capturer puis ramener dans les villages des colons. Ce fut le cas de cette femme, l’une des rares qui a laissé des traces de ce peuple disparu.

Les auteurs abordent aussi d’autres questions épineuses au travers de ces personnages, comme dans l’histoire de l’esclave noire Marie-Josèphe-Angélique accusée d’avoir allumé l’incendie qui a consumé Montréal en 1734. Durant le procès, l’esclave de la famille de Francheville a avoué ses crimes, torturée aux brodequins. Ses aveux forcés n’ont pas convaincu tout le monde de sa culpabilité. Condamnée au bûcher, ses cendres ont été dispersées aux quatre vents et sont désormais éparpillées dans le sous-sol montréalais ou emportées par les eaux du Saint-Laurent.

Ce sont 15 femmes aux destins hors de l’ordinaire qui nous sont présentées dans ce premier tome. On lit ces récits comme des contes. «On pourrait faire des films à grand déploiement avec l’histoire d’au moins cinq de ces femmes, s’emporte Serge Bouchard. Je verrais bien Bruce Willis accompagner Mina Hubbard dans ses explorations au Labrador», poursuit-il, amusé.

Les deux coauteurs prévoient d’ailleurs la parution de deux autres tomes: le deuxième, Ils ont couru l’Amérique, portant sur les coureurs des bois et le troisième portant sur les Amérindiens, qui s’intitulerait à juste titre Ils ont perdu l’Amérique. «En ce qui me concerne, ajoute sourire en coin Marie-Christine Lévesque, j’aimerais beaucoup un Elles ont fait l’Amérique 2, car il y a encore une bonne quinzaine de femmes qui mériteraient qu’on parle d’elles.»

Daniel Dubrûle, 21 avril 2011

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