Depuis trente ans, le verrou néolibéral inscrit dans la loi fondamentale léguée par le dictateur Augusto Pinochet encadre la politique économique du pays et attise la colère des minorités. Le philosophe Pierre Dardot revient sur le soulèvement populaire chilien de 2019, ainsi que sur les causes du rejet du projet de Constitution auquel il avait donné naissance. Alors que les manifestations éclatent, Mapuches, féministes, syndicalistes et étudiants voient l’opportunité de mener à terme le long processus de transition vers la démocratie qui a débuté au départ du dictateur, en 1990.
L’auteur met en avant la convergence des mouvements minoritaires derrière la Constituante et sa traduction dans un projet qui porte d’importantes avancées dans le domaine des droits collectifs et individuels. Dardot qualifie le processus d’« exercice d’imagination politique » — une « mémoire du futur », selon les féministes chiliennes. Loin d’envisager le rejet du texte comme un échec, il le présente comme une étape, une expérience singulière où les « masses de lutte » ont troqué leur rôle d’opposition pour endosser, un temps, celui de décideur.