«La maison brûle»: «Une révolution politique est notre seul espoir»
Dans La maison brûle, la journaliste et militante canadienne Naomi Klein revient sur les conséquences climatiques du capitalisme et souhaite mobiliser autour d’un projet politique porteur d’espoir, le New Deal vert. Selon elle, le capitalisme actuel précipite l’effondrement écologique, accentue les inégalités et favorise la montée du suprémacisme blanc. Le statu quo est une impasse, affirme-t-elle. D’autant que les scientifiques demandent la réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre d’ici une décennie.
De son point de vue, l’ambitieux New Deal vert constitue une solution pour faire face à l’urgence climatique. Lancé par les démocrates Alexandria Ocasio-Cortez et Ed Markey, il prévoit, en dix ans, la réinvention du rôle du gouvernement américain, la préparation des États-Unis à mieux résister aux catastrophes naturelles et le développement d’un réseau écoénergétique décentralisé. Il aspire également à garantir aux travailleurs un salaire de subsistance décent et un accès à des soins de santé de qualité.
Éloquente, Naomi Klein le compare au New Deal, proposé par F. D. Roosevelt dans les années 1930, et au Plan Marshall, instauré pour financer la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Elle insiste sur l’argument moral qui rend le New Deal vert aussi nécessaire qu’incontournable. À l’opposé, il incarne pour ses détracteurs un vague complot socialiste visant à détruire le capitalisme.
Une telle solution commune à des crises enchevêtrées pourrait contrer la progression de l’« écofascisme ethnonationaliste », estime la journaliste. Celui-ci considère les migrants, souvent chassés de leur contrée par les changements climatiques, comme de dangereux envahisseurs. C’est ce qu’a exprimé, entre autres, l’auteur du double attentat de Christchurch survenu le 15 mars 2019 en Nouvelle-Zélande.
Certes, « on peut devenir ce qu’on a le courage d’imaginer ». On se prend alors à rêver d’un New Deal vert canadien, à mille lieues « des égoportraits où [le premier ministre] se montre en train d’accueillir des réfugiés […], alors que son gouvernement investit massivement dans la militarisation de la frontière et applique systématiquement l’Entente sur les tiers pays sûrs ». La maison brûle en fournit l’argumentaire documenté.
L’essai n’est toutefois pas sans défaut. Se fondant sur une dizaine de textes parus durant la dernière décennie, l’ensemble comporte d’inutiles répétitions. Il s’en dégage une impression d’éparpillement, malgré une solide introduction inédite. Par ailleurs, Klein s’évertue à incarner la voix de la raison. Elle pourrait passer pour dogmatique, dans son rejet de la géo-ingénierie, et moralisatrice, lorsqu’elle conseille d’éviter l’achat de babioles et de consacrer plus de temps à l’art et au grand air.
Cela dit, La maison brûle rappelle que « ne pas agir est un choix, et non une fatalité de la nature humaine ». Remède contre le cynisme et le sentiment d’impuissance, son propos devrait inspirer la gauche progressiste en quête d’un projet d’avenir attrayant.
Sébastien Vincent, Le Devoir, 5 octobre 2019
Photo: La journaliste et militante canadienne Naomi Klein. © Guillaume Levasseur / Le Devoir
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