«Gravité», d’Emmanuel Burdeau: Billy Wilder, cinéaste de l’oxymore
Autour du réalisateur de « Certains l’aiment chaud », le critique livre une belle réflexion sur l’histoire et la nature du cinéma.
La cinéphilie reçoit avec Gravité des nouvelles d’un reclus dont on ne sait à quel point il est volontaire, et d’un des plus brillants critiques de cinéma français. Intranquille parcours que celui d’Emmanuel Burdeau. On l’a connu rédacteur en chef aux Cahiers du cinéma, responsable de l’activité éditoriale pléthorique de la société Capricci, critique régulier pour Mediapart, exégète de la nouvelle comédie américaine, directeur artistique de festival, auteur d’une monographie inspirée sur Vincente Minnelli (Capricci, 2011), on en passe et des meilleures.
Autant de terrains progressivement désertés. Gravité, enthousiasmant essai sur Billy Wilder, le ramène toutefois à la lumière. Bref rappel pour ceux qui, dans l’ignorance de leur malheur, ne connaîtraient pas le nom d’un des plus percutants auteurs de comédie (mais pas que). Né austro-hongrois en 1906, mort américain en 2002, il a débuté comme journaliste à Vienne, continué en tant que danseur mondain à Berlin, persisté en réfugié juif chassé par le nazisme, abouti en Amérique où, après s’être mise au service de l’impérial Ernst Lubitsch, son acidité viennoise finit par pousser à l’incandescence le postclassicisme hollywoodien et la critique de l’american way of life. Quelques titres immarcescibles, pour mémoire : Assurance sur la mort (1944), Boulevard du Crépuscule (1950), Sept ans de réflexion (1955), Certains l’aiment chaud (1959), La Grande Combine (1966).
Sur fond de désastre mondial
A son sujet, le livre de Burdeau entend remettre quelques pendules à l’heure. Il est vrai que Wilder jouit d’une réputation ambivalente, que, même parmi ceux qui l’aiment, quelque chose l’affecte, qui tient de la réserve ou de la condescendance, tout particulièrement lorsqu’on rapporte son œuvre à celle de son maître Lubitsch. […]
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Jacques Mandelbaum, Le Monde, 25 mai 2019
Photo: Billy Wilder (à gauche) avec Jack Lemmon sur le tournage d’Avanti! (1972). The Ronald Grant Archive / Photononstop