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13 novembre 2016

Franco « Bifo » Berardi sur Trump

NATIONAL-OUVRIÉRISME ET GUERRE RACIALE

(Version originale ici)

Essayons de comprendre ce qui se passe. Comme en 1933, les travailleurs se sont vengés de ceux qui les avaient laissés tomber depuis longtemps: les politiciens de la gauche « démocratique » réformiste.

Un esclavagiste qui n’a jamais payé d’impôts, un violeur en série, est devenu président des États-Unis d’Amérique. Ceux qui ont été trahis par la gauche d’Amérique comme d’Europe, ont voté pour lui. Cette «gauche» devrait être jetée aux ordures: elle a ouvert la voie au fascisme en choisissant de servir le capitalisme financier en implantant des réformes néoliberales.

Appelons-les par quelques-uns de leurs noms: Bill Clinton et Tony Blair, Massimo d’Alema et Matteo Renzi, Giorgio Napolitano, François Hollande, Manuel Valls and Sigmar Gabriel. Par leur cynisme et leur lâcheté, ils ont livré le peuple et le gouvernement de nos vies aux mains des corporations. Ce faisant, ils ont ouvert la porte au fascisme qui se répand maintenant et à la guerre civile globale qui semble maintenant inévitable.

Au Royaume-Uni et en Pologne, en Hongrie et en Russie, et maintenant aux États-Unis, le national-ouvriérisme est le vainqueur. La classe ouvrière blanche, humiliée au cours des trente dernières années, trompée par une suite interminable de promesses réformistes, appauvrie par la violence financière a fait entrer le Ku Klux Klan à la Maison Blanche.

Maintenant que la gauche a arraché aux travailleurs leurs armes d’autodéfense démocratiques, voici qu’arrive la version raciste de la lutte des classes.

Wall Street a réussi à terrasser Bernie Sanders et maintenant le Ku Klux Klan a vaincu Wall Street.

Les prochains dix ans seront difficiles et nous devons en être conscients. L’écroulement de la mondialisation capitaliste est le début d’une guerre qui met en péril une grande part de la civilisation moderne.

Il y a quelques jours, ZeroHedge, le journal en ligne dans lequel publient les intellectuels trumpistes a publié un article qui résume très bien ce qui se passe et annonce ce qui vient:

« L’économie zombie est moribonde, le peuple productif a été pillé et le truc du pain et du cirque est à bout de souffle. L’État providence et guerrier américain s’effondre. L’élite dirigeante est désespérée. Ils ne veulent pas que cesse leur escroquerie, mais ils échouent toujours. C’est un jeu de confiance et le jeu est fini. Quiconque a les yeux ouverts voit la crise économique qui arrive. L’empire s’effritera et tombera, tout comme d’autres avant à travers l’histoire…

Ce pays est réellement divisé, en grande partie de la même façon que lors de la première guerre civile. Les divisions ne séparent pas seulement des lignes de partis politiques, mais les races, les niveaux d’éducation, la géographie, les genres, les générations, les classes, les religions et les niveaux d’esprit critique.

… si leur candidat est élu, cela déclenchera assurément des événements qui mèneront à une deuxième guerre civile.

C’est la classe ouvrière démoralisée, désillusionnée et en colère qui a été pillée par la classe dirigeante par le prélèvement de taxes, la délocalisation, l’inflation créée par la Réserve Fédérale. Avec le revenu réel par foyer qui stagne à des niveaux équivalents à ceux de 1989, ce sont ceux qui sont au milieu qui ont le plus perdu. Les taux d’intérêt à 0% ont puni les citoyens plus âgés et les membres de la classe moyenne qui avaient fait des économies, tandis que le bail-out de 300 milliards de dollars a profité aux millionnaires de l’industrie financière. Le prochain effondrement financier, qui est écrit dans le ciel, déclenché par des mesures faites pour profiter au 1% amènera la guerre de classes dans les rues…»

Trump a gagné parce qu’il représente un arme pour les travailleurs appauvris et parce que la gauche les a livrés désarmés, aux mains du capital financier. Malheureusement, cette arme va très vite se tourner contre ces même travailleurs et va les pousser vers une guerre raciale.

«Il y a un fossé entre les choix électoraux des familles de Blancs mariés, religieux dans les milieux ruraux et ceux des foyers de Noirs sans pères, et de Blancs sans religion dans les villes. Le mouvement Black Lives Matter représente la première cohorte, et les social justice warriors représentent la seconde. »

La menace d’une guerre raciale est parfaitement explicite dans les positions de Trump. Les travailleurs blancs socialement vaincus s’identifient à une race de vainqueurs.

«Les Blancs sont aussi fatigués de la phraséologie politiquement correcte de la gauche qui fait d’un immigrant illégal un sans-papiers. Celui qui est arrivé ici de manière illégale est un criminel. La déportation est la conséquence de ce crime. En ouvrant nos frontières aux immigrant illégaux sud-américains et au potentiels terroristes syriens, et à d’autres qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous est une recette pour la catastrophe.»

Au lendemain des élections américaines j’ai passé quelques jours à Moscou pour échanger avec des confrères artistes. Alors que nous parlions dans une galerie, dehors, dans les rues de Moscou, des gens défilaient et chantaient. Une marche pour l’anniversaire de la révolution soviétique qui approche? Non, ils défilaient en l’honneur de Vladimir le Sage qui a christianisé la Mère Russie.

Des femmes et des enfants portant des uniformes militaires marchent et exaltent les assassins du passé: Ivan le Terrible et Staline, meurtrier de communistes et de juifs.

La race blanche en armes prépare une finale effrayante à l’effrayante histoire du colonialisme moderne. Réussirons-nous à échapper cette finale déjà écrite dans les livres de l’Armageddon qu’a préparé le capitalisme financier et auquel le réformisme de gauche a ouvert la voie?

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