Fabien Cloutier présente trois nouveaux projets
À travers la radio, la scène ou la télé, Fabien Cloutier a trouvé un exutoire aux questionnements qui l’animent. L’acteur s’interroge sur l’humain et traduit le fruit de ses réflexions en projets qu’il partage avec nous. La période semble être fertile en questionnements de toutes sortes puisque ces jours-ci, outre son nouveau one man show intitulé Délicat, il nous présente aussi L’allégorie du tiroir à ustensiles, un livre qui rassemble des chroniques triées sur le volet, et la cinquième et ultime saison de Léo, qui sera disponible sur Club illico en mars prochain. Non, le fier Beauceron n’est peut-être pas un vrai philosophe, mais ses propos suscitent des pistes de réflexion…
Fabien, tu viens de finir le tournage de la cinquième saison de Léo. Comment pourrais-tu résumer cette ultime saison?
C’est une saison durant laquelle on se permet d’entrer un peu plus dans l’univers de certains personnages secondaires qu’on a appris à découvrir et à aimer durant les quatre premières saisons. Léo est toujours là, tout comme Chabot et tous les autres personnages. C’est aussi une année où Léo a réussi à placer ses pions. Les choses vont bien, mais il est devenu l’aidant de tout ce beau monde. Quand ils ont quelque chose à régler, les gens vont le voir. Léo, Cindy et Chabot se retrouvent ainsi mêlés aux histoires de tout le monde. C’est donc une saison assez festive, qui va nous amener dans de nouveaux lieux et de nouveaux décors.
À quoi attribues-tu le succès de ces personnages?
On sent que le public s’est approprié ces personnages. Les gens se sont reconnus. Au cours des années, ils ont vu les personnages relever des défis, passer au travers, se remettre en question. C’est un univers de gens tissés serrés, qui se parlent un peu dans le casque, mais qui sont capables de continuer à avancer. Ils ont des défis qui sont proches de la majorité des gens.
Tu nous présentes un nouveau one man show intitulé Délicat. D’où vient ce titre?
Quand je travaillais sur le projet, je cherchais un adjectif qui pourrait me décrire. Je me suis dit que délicat, ce n’est probablement pas le premier mot qu’on mettrait sur mon travail, même si nous essayons de travailler dans une certaine finesse. Le côté délicat, c’est de toujours chercher l’angle pour aborder les thèmes, de créer une connivence avec le public afin qu’il comprenne l’ironie des propos. Sur scène, je ne me cache pas derrière un personnage, mais disons que si je voulais juste dire le fond de ma pensée,
je donnerais des conférences. Je ne ferais pas des spectacles d’humour…
Qu’as-tu envie de raconter avec ce spectacle?
Je trouve que nous vivons des années qui nous appellent à remettre notre confort en question. Nous sommes confrontés à des défis de société aux niveaux du vivre ensemble et de l’environnement. Je ne veux pas transformer mon spectacle en plaidoyer pour des causes, loin de là! Mais au quotidien, nous sommes bousculés par les nombreuses idées que nous entendons autour de nous. C’est agréable
de montrer les différentes réactions, de se reconnaître dans notre manière de bouger ou non face aux nouveaux défis auxquels nous ferons face dans l’avenir.
Crois-tu que la délicatesse soit un élément essentiel dans la vie?
C’est sûr! J’ai l’impression que ces dernières années nous ont permis de voir certains groupes lever la main et dire: «Vous pourriez faire un peu plus attention à nous…» Sans dire qu’on doit se mettre à tout changer et à faire attention à tout ce qu’on dit, j’ai quand même l’impression qu’on peut faire un peu plus attention aux autres. Et je m’inclus dans ça. Que ce soit dans la manière d’exprimer nos opinions ou de faire des blagues, on peut se demander: «Est-ce que je peux essayer de ne pas être une voix de plus qui nourrit le conflit?» Je ne suis pas meilleur que les autres. Ça peut tous nous arriver de dire quelque chose de travers dans l’espace public et de nous dire qu’on a nourri la bête.
D’une façon générale, es-tu quelqu’un de délicat dans la vie?
Je crois que oui. Nous nous faisons souvent dire que Léo, c’est un super beau plateau. Nous essayons de trouver une façon de faire pour que les gens et les équipes soient heureux. Nous n’avons pas besoin de parler fort, de nous crier après. Nous sommes pressés, nous avons beaucoup de choses à faire dans une journée, nous le savons tous. Est-ce que, malgré tout, nous pouvons rester dans un état où nous travaillons dans une forme de douceur, en faisant attention à tout le monde? C’est ce que nous essayons de faire, et je pense même que nous y parvenons.
T’arrive-t-il de manquer de délicatesse?
Sûrement! Nous avons tous nos impatiences, nos moments où nous sommes submergés par la fatigue ou le travail, et les choses ne sortent pas de la bonne façon. Il faut essayer de contrôler ça le plus possible et d’être capable par la suite de dire qu’on s’est peut-être trompé… Le rythme de la vie, la force des nouvelles ne nous donnent pas envie d’être délicats. Les colères sont parfois saines, si on se fâche contre les bonnes choses.
Autre nouveauté dans ta vie, le livre L’allégorie du tiroir à ustensiles. Quel titre savoureux!
C’est un recueil de numéros de galas que j’ai faits en quatre ans à ComediHa!. J’ai aussi fait des chroniques à Plus on est de fous, plus on lit en début de pandémie. Depuis un an et demi, je fais aussi des chroniques du côté de chez Paul Arcand. C’est un recueil de textes de tous ces univers. Je trouvais ça drôle de faire un clin d’œil à la philosophie. On connaît l’allégorie de la caverne de Platon. L’allégorie du tiroir à ustensiles, c’est le tiroir où, chez certains, c’est très ordonné, et chez d’autres, complètement à l’envers. J’aimais ce clin d’œil à la philosophie pour montrer que si je suis un philosophe, je n’en suis pas un qui se prend au sérieux.
As-tu un penchant pour la philosophie ou une tendance à chercher un sens à la vie?
Complètement, mais je ne suis pas toujours en train de chercher. Si j’écris de la fiction ou de l’humour, c’est parce que je cherche à donner un sens aux choses. Je me questionne sur l’humain, l’humanité, les gens autour. Certains écrivent des thèses. C’est complètement louable. Moi, j’écris des chroniques, des blagues, de la fiction. Je passe par un autre chemin pour me questionner ou dire des choses sur l’humain.
Et même semer des pistes de réflexion?
Oui, je crois que l’humour peut être un bon véhicule pour ça. C’est loin d’être le seul, mais avec un sourire ou une blague, on arrive à insuffler un début de réflexion. Les gens repartent avec, et c’est à eux de voir où ça les mènera et ce qu’ils en feront par la suite. C’est une belle façon d’aborder des sujets qui pourraient, de prime abord…
Être délicats?
Oui, délicats. Au début, je pensais que c’était un qualificatif qu’on ne m’associait pas tant que ça. Finalement, je suis assez délicat…
Michèle Lemieux, 7 jours, 22 novembre 2022.
Photos: Bruno Petrozza
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