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19 juin 2016

En mer avec les réfugiés

« La mer n’est pas le seul obstacle à se dresser devant les réfugiés syriens qui cherchent à rejoindre les côtes européennes. Aux frontières naturelles, les hommes ajoutent mille et un périls à cette traversée, affirm le journaliste Wolfgang Bauer dans ce reportage proche de l’odyssée, dans lequel il raconte de l’intérieur ce dangereux périple.

En 2014. il rejoint l’Égypte avec son ami photographe Stanislav Krupar, avec qui il a déjà couvert le conflit en Syrie. Les deux hommes s’infiltrent dans la foule des migrants en prétendant être des réfugiés venus du Caucase afin de tenter de faire la traversée.

Pour leur part, les hommes que les journalistes rencontrent à leur arrivée font déjà route depuis longtemps. Après avoir quitté la Syrie, qui sait ce qu’ils ont enduré pour se rendre en Égypte? Les coups, les coups bas, les enlèvements, la peur constante, la police, la mort, le racket, les mlgrants n’échappent à rien de tout cela. Ils sont ballottés dans une mer d’incertitudes, dépossédés de leur destin. Victime de tout cela aussi, Wolfgang Bauer le raconte sans apitoiement, mais avec la seule volonté de dire comment les choses se déroulent.

 

Une valeur d’engagement

Le récit débute sur une plage, alors qu’un groupe de réfugiés court sous les coups de bâton d’un passeur dans une zone industrielle d’Alexandrie. Non loin de là les attend la mer, qu’ils craignent mais qu’ils tentent aussi de rejoindre depuis si longtemps. Mais il faut encore se garder des voleurs, prompts à fondre sur cette foule démunie. La plage, éden du salarié occidental coincé dans sa routine, est pour les migrants “l’étape la plus dangereuse du voyage”, écrit le journaliste allemand. Puis, il y a l’embarquement. moment chaotique, où les enfants risquent d’être séparés de leurs parents. Malgré tout, c’est le départ.

Bien vite, la flotte s’arrête et tout le monde doit descendre sur un petit îlot. Les garde-côtes arrivent. Pour les journalistes, c’est la fin du voyage. Ils révèlent leur identité aux autorités. Ils restent néanmoins en contact avec trois Syriens rencontrés au cours des quelques jours qui ont précédé ce départ avorté.

Le chemin de ces trois hommes, un père de famille – qui a laissé les siens au Caire, où l’on accepte de moins en moins les rescapés de la guerre civile en Syrie – et deux frères, se sépare là: ils choisiront des routes distinctes, mais parsemées d’épreuves.

Ce reportage a valeur d’engagement. Dans sa conclusion, le journaliste allemand quitte le ton du reportage pour donner plus franchement son point de vue. Pour lui, on aurait pu éviter l’exode si une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie avait été mise en place, mais il est maintenant trop tard pour l’Occident d’intervenir. Cet isolationnisme fait en sorte que l’Europe se détourne de la souffrance des Syriens. “Quel peuple sommes-nous – les Européens – pour laisser crever sans état d’âme nos voisins?”, s’interroge-t-il. “Ouvrez les frontières”, dit-il enfin. »

Marc-Olivier Bherer, Le Monde, 19 juin 2016

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