Deux idées importantes de Bourgault
Comme tout ces éminents commentateurs ont déjà offert des revues bien plus brillantes que les miennes, concentrons-nous plutôt de ce qu’il reste de l’ouvrage quand on le referme. Car, après avoir suivi attentivement chaque tracé de ce portrait de Bourgault, on se trouve en manque. En manque de gens comme lui, bien sûr et en manque de sa verve, évidemment. Plus encore, toutefois, en manque de certaines idées qui ne sont plus à la mode et dont on n’entend plus parler.
La première : convaincre. En fait, quand on prononce les noms André Boisclair et Pauline Marois il est facile de voir pourquoi l’idée même de convaincre nous manque. Pour des raisons différentes, ces deux membres de la famille politique de Bourgault laissent de côté son héritage. Boisclair, par toute sa personne. Boisclair c’est l’anti-Bourgault absolu. Servile, adapté au système qui l’entoure et qui l’a construit, sans volonté politique, factice et pleurnichard, rien en lui ne portait à convaincre qui que ce soit. Rebelle ? Marginal ? Pas une miette. Séducteur ? Charismatique ? Autant qu’une planche de plywood.
Pauline Marois, c’est autre chose. La dame peut être convaincante, parfois, si elle se force et qu’elle y met du sien. Du côté de Pauline c’est un choix de n’être pas convaincante : c’est le choix de l’attentisme. Elle l’a dit, son gouvernement hypothétique ira vers la souveraineté quand les Québécois et les Québécoises seront prêts. L’oeil rivé sur les sondages, la main sur le pouls de l’opinion publique, elle attend que quelque chose se passe. Un Bourgault provoquait, sortait et parlait. Il faisait vivre l’idée qui l’habitait. La volonté politique, le refus de l’abnégation et de la soumission le caractérisait. Par une trop grande prudence, par une peur de l’idée même qu’elle défend, Mme Marois a tué le Bourgault en elle.
Deuxième idée qui fait cruellement défaut depuis quelques années : l’idée que l’indépendance est un moyen. Ce qui compte d’abord et avant tout c’est un autre Québec à construire. Moyen essentiel, peut-être, mais moyen quand même. L’important est d’avoir un projet pour le Québec, que la société québécoise bâtisse une société à son image, à l’image de ses rêves de justice et d’équité. Voilà un discours que Bourgault n’a eu cesse de tenir et qui n’est plus populaire. Il est évident que, quand on a peur de proposer l’indépendance, on a aussi peur de parler de socialisme ou tout simplement d’un autre Québec possible et à réaliser dès maintenant.
Retrouver la force de convaincre et celle de parler d’un projet de société semble des questions bien plus importantes que les délires qu’on a pu entendre sur « Aurait-on dû tenter de conserver le RIN en vie ou non ? ». Même Bourgault, si on en croit Nadeau, semblait conjuguer cette formation politique au passé. D’ailleurs, un ami me signalait à quel point ce qui se passe en 1974, quand le PQ opte pour la stratégie vers l’indépendance proposée par Claude Morin, est un virage du PQ bien plus décisif pour le mouvement indépendantiste que la dissolution de 1968. Quoiqu’il en soit, l’ombre de cette stratégie perdante plane encore bien plus sur le mouvement indépendantiste que la disparition du RIN.
Où se trouve un nouveau tribun qui aura l’heur de convaincre le Québec qu’un projet de société atteint, entre autres, par l’indépendance nationale, est possible à travers une voie différente qui met en premier plan la souveraineté du peuple et non la négociation à tout prix ?
Simon Tremblay-Pepin
Le Couac, octobre 2007
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