Dans les entrailles du monstre
Naomi Klein est cette militante altermondialiste qui s’est fait connaître lors de la publication de son premier ouvrage, No logo, sur « la tyrannie des marques ». Elle démontrait comment les compagnies ne vendaient plus leurs produits, mais bien une marque. Depuis, cette Américano-Canadienne a multiplié les apparitions sur toutes les scènes où se livre le combat contre le néo-libéralisme et le réchauffement climatique.
Son dernier ouvrage s’en prend à la bête Trump, présenté comme une « sorte de Frankenstein, un monstre constitué de ce corps d’idées délétères et d’autres tendances ». Les effets de la mondialisation font que nous en sommes tous affectés sur la planète Terre, de sorte que lorsque Trump éternue c’est le monde entier qui risque de s’enrhumer. Aussi bien dire qu’il risque d’embraser l’humanité entière avec ses menaces d’une guerre nucléaire.
Pour Naomi Klein, le pouvoir politique du président américain est le prolongement suprême de la marque commerciale Trump. Ce n’est toutefois pas une première aux États-Unis, d’autres présidents avant lui ont confondu pouvoir politique et intérêts personnels, notamment dans le pétrole avec les Bush. Mais Trump le fait, lui, à visière levée, sans complexe, faisant fi des nombreuses poursuites lancées contre lui pour conflits d’intérêts, ses multiples entreprises commerciales demeurant actives même pendant son mandat.
La politique de destruction systématique de l’État providence (un euphémisme quand on compare ce soi-disant État providence au nôtre) vise à provoquer un choc délibéré. « On se retrouve en état de choc quand il y a un fossé entre les événements et notre capacité première à les expliquer. » C’est ce qui se produit dans le présent contexte, et l’auteur entend proposer des solutions pour inverser le scénario de catastrophe et « déboucher sur un avenir radicalement meilleur ». C’est-à-dire transformer le NON du titre en OUI.
L’auteure va d’abord expliquer comment nous en sommes arrivés là — ce « nous » comprenant globalement tous ceux et celles affectés par la politique de destruction un peu partout sur la planète. Et pour ce faire, elle dresse un portrait surréaliste du « prédateur en chef », le cinglé du tweet, l’actuel président américain : un être sans scrupule, amoral, menteur, qui a fait sa fortune sur des faillites frauduleuses, sur du travail sous-payé dans des usines de misère. Aucun scandale ne l’atteint, car il agit en gagnant, il peut frauder le fisc et s’en vanter, « c’est une preuve d’intelligence », et pour lui, l’impunité est un signe extérieur de richesse. « Un type si riche qu’il peut faire tout ce qu’il veut, quand il veut et à qui il veut (y compris mettre la main où il veut sur toutes les femmes qu’il veut). » Cela vaut pour son passé comme pour son présent. Mais Trump est le produit de son époque, de la société dans laquelle il s’est développé, à travers la téléréalité, où il divisait la société entre pauvres et riches, entre perdants (la majorité) et gagnants (une minorité). Il s’est nourri de ce que les États-Unis avaient de plus délétère.
On peut saboter n’importe quelle marque, dit-elle, « il suffit d’en identifier les points faibles ». Elle cite différentes méthodes pour affaiblir l’empire Trump, dont la principale source de revenus réside dans la vente et la location de bureaux et d’appartements, « et la location du nom de Trump à des entreprises immobilières dans le monde entier ». À force de dénoncer ses malversations, la marque Trump peut fort bien perdre de son lustre et entraîner des pertes de revenus énormes pour ce populiste passé maître dans l’art de dire une chose et son contraire. Trump serait-il un tigre de papier ?
Ce guide de résistance est aussi un cri d’espoir et un appel à l’action. Par sa grossièreté, par son impunité, par son saccage des acquis, aussi bien au niveau des politiques de sécurité sociale et d’égalité des sexes, que des programmes de protection de l’environnement, Trump est en train de fédérer tous les opposants qui, hier encore, se disputaient entre eux et n’arrivaient pas à s’entendre pour lui barrer la route.
Jacques Lanctôt, Le Journal de Montréal, 11 novembre 2017
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