Cynisme, humour et beaucoup d’intelligence
Avec ce dernier opus, celle qui se présente (humblement?) dès la première page comme une «stratégie discursive» vient (ironiquement?) consolider sa place dans le champ littéraire québécois. Anne Archet n’en est pas à son premier rodéo. Et tout le plaisir est pour nous!
Bien que tous les aphorismes contenus dans Le vide: mode d’emploi ne soient pas équivalents en termes d’efficacité selon moi, l’écrivaine fantôme maîtrise cette forme avec brio. Ça se lit d’un trait. Après avoir exploré l’intime avec Le carnet écarlate (Remue-ménage, 2014) et Amants (Remue-ménage, 2017), la voici maintenant les deux pieds dans la sphère publique. Anne Archet anarchiste brille dans toute sa splendeur, car elle prend à bras-le-corps l’odieux de l’accaparement des richesses par une infime fraction de la population avec cynisme, humour et beaucoup d’intelligence, en ne lésinant pas sur le sérieux de la chose: «Je crois qu’il faut cesser de dire “environnement” et commencer à dire “survie de l’espèce humaine”. Ce serait rigolo d’entendre les politicien-ne-s dire “la survie de l’espèce humaine est importante, mais pas aux dépens de l’économie” dans les campagnes électorales» (p. 14) ou encore: «Toutes les libertés que vous chérissez ont pour origine une émeute. Embrassez un casseur, pas la police.» (p. 29) Ça fait du bien de ne pas arrondir les angles, pour une fois, parce que oui, l’heure est grave.
Camille Simard, À Babord!, no 97, automne 2023.