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Portrait photo d'Audrey Laurin-Lamothe.
13 mai 2023

«Construire l’économie postcapitaliste»: le socialisme sauvé par l’éclair féministe

« La démocratie la plus large et la plus illimitée », exigée en 1917 par la militante Rosa Luxemburg au sein du socialisme, resterait le remède à l’inertie si répandue de l’actuelle gauche internationale. Voilà ce qui ressort du témoignage de son admiratrice, la géographe américaine Julie Graham (1945-2010), morte prématurément, mais estimée des intellectuels les plus progressistes. Audrey Laurin-Lamothe voit là l’éclair féministe.

Dans Construire l’économie postcapitaliste, la sociologue Laurin-Lamothe, formée à l’Université Laval et rattachée aujourd’hui à l’Université York de Toronto, nous ébranle, avec ses confrères Frédéric Legault et Simon Tremblay-Pepin. Les trois chercheurs affirment que Julie Graham et une autre géographe féministe, Katherine Gibson, ont redéfini, sous le pseudonyme commun de J. K. Gibson-Graham, « la tâche de la gauche » pour que celle-ci « dépasse le simple changement de système économique ».

« Il faut transformer l’ensemble de la société », insistent les auteurs en expliquant les « exigences révolutionnaires ». Ils soulignent que « non seulement les modèles les plus théoriques et généraux ont été développés par des hommes, mais il s’agit aussi de ceux qui ont été les plus débattus ». Ils précisent qu’« à l’inverse, les propositions des femmes se fondent principalement sur des expériences concrètes ».

Peut-être est venu le temps, comme nous y enjoint André Gorz, de penser à l’envers et de tenter de définir, dès le départ, ce pour quoi on lutte et non pas seulement ce contre quoi

Selon Audrey Laurin-Lamothe et ses collaborateurs, J. K. Gibson-Graham, ce pseudonyme, vise à corriger « la domination capitaliste, patriarcale et coloniale » par « notre interdépendance à l’égard d’autrui et de la planète » menacée par le réchauffement climatique. Pour la sociologue Laurin-Lamothe, en particulier, le capitalisme s’appuie trop depuis 30 ans « sur la financiarisation des relations économiques », sur leur « transformation en titres susceptibles de faire l’objet d’une spéculation ».

En plus du modèle donné sous le pseudonyme de J. K. Gibson-Graham, les auteurs discutent, en départageant le pour et le contre, de pas moins de six modèles laborieux et peu convaincants. Mais le souvenir de Rosa Luxemburg, infirme et isolée dans un milieu masculin de phraseurs plutôt que de penseurs, réhabilite à lui seul le socialisme affaibli contre lequel la militante se dressa.

Elle défendit la paix au lieu de la Première Guerre mondiale, s’opposa à l’autoritarisme de Lénine et au machisme qui rongeait la gauche. Cela lui valut de mourir assassinée en 1919 par des bellicistes outrés et même d’avoir une sépulture incertaine. Le tragique définit Rosa Luxemburg qui, dès 1913, annonça la financiarisation comme la phase ultime du capitalisme.

Audrey Laurin-Lamothe et ses collaborateurs marchent sur ses traces, alertés par l’horreur depuis la crise financière mondiale de 2008. Le réchauffement climatique aggrave le mal qui, au fil des ans, d’abstrait devient physique et nous brûle.

Michel Lapierre, Le Devoir, 13 mai 2023.

Photo: Alex Tran. L’autrice Audrey Laurin-Lamothe.

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