Connaissez-vous Voltairine de Cleyre?
Anarchiste et féministe, la trop peu connue Voltairine de Cleyre a pensé la transformation de la société par la prise en compte des femmes.
Connaissez-vous Voltairine de Cleyre ?
Anarchiste et féministe, la trop peu connue Voltairine de Cleyre a pensé la transformation de la société par la prise en compte des femmes.
Connaissez-vous Voltairine de Cleyre ? Ce sont les éditions LUX qui nous permettent de la découvrir avec ce recueil de textes, réunis sous le titre de Ecrits d’une insoumise… Rien à voir, je le précise, avec le parti des Insoumis de Jean-Luc Mélenchon: Voltairine de Cleyre, née en 1866 dans le Michigan, et disparue en 1912, à Chicago, était une poétesse et essayiste, pionnière du féminisme, son grand parti à elle, c’était l’anarchisme !
Pour Voltairine de Cleyre, tout commence en mai 1886, avec la pendaison, à tort, de 5 anarchistes, à Chicago, ce qui en fera des martyrs. Après moult recherches et rencontres avec des anarchistes, elle le devient ainsi à son tour en 1888. Mais, en cette fin de XIXème siècle, ces revendications en croisent une autre : celle du féminisme qui réclame le droit de vote pour la femme.
C’est donc tout naturellement qu’en devenant anarchiste, Voltairine de Cleyre devient aussi féministe… enfin, «tout naturellement»…, si je vous parle de Voltairine de Cleyre, ce n’est pas seulement pour vous la faire découvrir, mais aussi pour questionner ce rapport entre anarchisme et féminisme. Est-il si évident et naturel ? On pourrait dire que le principe anarchiste d’autogestion suppose un féminisme avec la reconnaissance d’un statut juridique égal à celui de l’homme.
Mais ce qui est intéressant, c’est aussi d’interroger le lien entre la prise en compte d’une partie de la société avec sa réorganisation totale: comment la transformation totale de la société (que veut l’anarchisme) pourrait-elle passer par la prise en compte d’une de ses parties (femmes ou autre)?
Une centaine d’écrits (poèmes, nouvelles, conférences, essais, traductions et recensions) dont on découvre des extraits ici, mais aussi des actions, des rencontres, des manifestations, l’engagement «anarcha-féministe» de Voltairine de Cleyre n’a jamais faibli, et chaque événement politique en a été l’occasion, qu’il s’agisse de l’assassinat anarchiste du Président McKinley en 1901, de l’institution pénale qui enferme les individus, ou de la révolution mexicaine de 1911 qui la passionne…
Et à chaque fois, se trouve travaillée cette relation politique de la partie au tout, mais comment ? A la lecture des textes qui nous sont donnés ici, on pourrait souligner deux choses: et la 1ère, c’est celle-ci: la condamnation de l’empressement avec lequel l’opinion publique, le tout, prend parti et se conduit uniformément. Dans «Pourquoi je suis anarchiste», elle dit ainsi très bien comment elle avait, je cite, elle, «une grande soif de se libérer des conventions vestimentaires et langagières, des us et coutumes».
Le mariage est une mauvaise action, L’esclavage sexuel, Pourquoi je suis anarchiste… voici quelques-uns des Ecrits de ce recueil, où tous mêlent citation de poète, critique des conventions et prise de parole à la 1ère personne. Et cet usage du « je », c’est la 2ème chose qui frappe quand on lit les textes de Voltairine de Cleyre: elle dit tout en son nom, soit la revendication de la partie, individuelle, face au tout qui dérive…
Mais comment ne pas voir, à travers cette condamnation de la masse et cette valorisation individuelle, une lutte entre le tout et la partie, entre la société et l’individu, la majorité et les minorités? Il faut le dire : Voltairine de Cleyre n’a que faire de cette opposition, elle soutient coûte que coûte l’individu, mais, en revanche, ce qui l’intéresse, c’est la transformation, encore, de cet individu, de ses idées, ce qui permettra (peut-être) ensuite, un à un, la transformation du tout.
Géraldine Mosna-Savoye, Le journal de la philo, France culture
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