Cinq lectures pour mieux comprendre la guerre civile espagnole
La guerre civile espagnole demeure un des aspects les plus étudiés de l’histoire contemporaine. Plusieurs ouvrages viennent en expliquer les contours et apporter des précisions sur des points secondaires.
«Les Anarchistes espagnols», à l’origine
L’édition en français d’un travail ancien de Murray Bookchin permet de comprendre les résistances au coup d’État franquiste et la violence de la guerre civile, qui trouve ses racines dans les profondeurs de l’histoire espagnole.
La vie de Murray Bookchin, fils de juifs immigrés né en 1921 dans le Bronx, et qui a d’abord été communiste, est en soi un roman. Il a voulu s’engager dans les Brigades internationales, mais a été refusé en raison de son jeune âge avant d’être exclu en 1939 pour déviationnisme. Il est ensuite passé par le trotskisme, avant de découvrir l’anarchisme et de proposer un renouvellement de son corpus théorique en suggérant aux libertaires de s’investir dans les municipalités et en articulant écologie et social.
Sa réflexion sur la guerre d’Espagne a été nourrie de ses lectures, dans lesquelles l’anarchisme espagnol a joué une place centrale. Il a enrichi son travail de nombreux entretiens avec les libertaires espagnols. Murray Bookchin voyant dans l’un des rares mouvements de masse de l’anarchisme un noyau central de réflexion, se sent alors investi d’une mission: proposer une relecture de l’anarchisme espagnol. Si l’ouvrage est marqué par de nombreux présupposés militants, il offre une synthèse utile sur la naissance et le développement de ce mouvement jusqu’en 1936.
L’ouvrage, publié en langue anglaise en 1976 et constamment réédité depuis, est aujourd’hui traduit en français. L’anarchisme espagnol est né dans le deuxième tiers du XIXe siècle, lorsque s’est constituée la Première Internationale à la suite de contacts que le libertaire italien Giuseppe Fanelli a noués avec des ouvriers barcelonais. Il se développe autour de deux pôles: le monde ouvrier et une forte composante rurale organisée autour des structures villageoises.
La première composante est la plus visible. Elle se structure autour de deux axes. Le premier cherche à faire parler la poudre pour renverser la monarchie, multipliant les tentatives d’attentats contre les symboles de la monarchie d’Alphonse XIII. Les seconds tentent, comme Francisco Ferrer, d’éduquer le peuple en créant un mouvement d’instruction populaire: l’école moderne. Les autorités politiques et religieuses considèrent Ferrer comme l’inspirateur des attentats et l’exécutent en 1909.
C’est après cette date que la Confédération nationale du travail se développe en mêlant les tentatives insurrectionnelles et l’action de réforme propre au mouvement syndical. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Espagne connaît un premier coup d’État, conduit par le général Primo de Rivera, plongeant le pays dans la dictature. Cela oblige les anarcho-syndicalistes à se construire dans la clandestinité, jusqu’à la proclamation de la République en 1931.
Deux lignes très différentes se développent alors: la première est possibiliste, c’est-à-dire qu’elle souhaite construire un mouvement tenant compte des réalités locales et transformer l’Espagne par des réformes sociales, alors que la seconde se situe dans la lignée insurrectionnelle. C’est cette deuxième qui l’emporte et qui participe dans les Asturies à l’insurrection de 1934, puis qui sera le fer de lance du soulèvement contre le coup d’État de Franco en 1936.
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Sylvain Boulouque, Slate, 4 février 2024.
Photo: Hasan Almasi / Unsplash