«Au chevet du système de santé»
J’ai passé des jours heureux de mon enfance auprès de mon grand-père maternel médecin et, dès l’adolescence, avec un papa qui fut de la première cohorte de DG d’hôpitaux laïcs.
Pas étonnant alors de m’intéresser à Prendre soin : au chevet du système de santé (Lux, 2022), un essai du docteur Alain Vadeboncoeur – urgentologue, ex-chef du département de médecine d’urgence à l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur titulaire à l’Université de Montréal –, mais aussi écrivain et consultant médias.
« Cet ouvrage a pour ambition [d’écrire Dr Vadeboncoeur] de stimuler cette volonté de changement qui devra nous inspirer si nous souhaitons « réanimer » notre réseau, lui redonner un peu du sens perdu en cours de route. » Outre l’inspirante COVID, le « Plan pour mettre en oeuvre les changements nécessaires en santé », mis de l’avant par le ministre Dubé en mars 2022, a amené l’essayiste à relire « Vital », troisième partie de son essai Privé de soins (2012) qui engageait une réflexion sur l’état du système de santé, tout en souhaitant la mise à niveau de plusieurs composantes.
Le chantier de réflexions que l’auteur-médecin échafaude et les suggestions qui les transforment en actions concrètes sont élaborées en 22 séquences relativement brèves – oeuvre de pédagogie qui ne prend pas le lectorat de haut –, chacune s’intéressant à un élément spécifique du système de santé insistant sur les malades et les soignants.
Prenons un exemple. « Une idée simple inspire notre système de santé publique : il faut collectivement prendre soin des gens. Tout l’édifice est fondé sur cette base. En théorie, du moins. // Parlez- en à Geneviève, une jeune femme dont le coeur a déjà été opéré deux fois en bas âge, qui se présente un soir à l’urgence à bout de souffle, en train de se noyer dans l’eau qui s’accumule dans ses poumons. » La patiente s’en est sortie au bout de la nuit, mais cela ressemble à une situation habituelle. « D’où, peut-être, devant ces enjeux humains effrayants, une tentation technocratique de le réduire parfois à des paramètres comptables – indicateurs de performance, budget, croissances, critère d’efficience… » Un « parfois » de moins en moins rare.
Ce que je retiens des observations de l’essayiste et de ses pistes de solutions, c’est le manque de cohésion et de cohérence dans les soins apportés. En priorisant le malade et en décloisonnant les services et les soins spécifiques de chacune des unités, le système pourrait retrouver son efficacité.
L’exemple que Dr Vadeboncoeur donne fait image : les GMF, les Groupes de Médecine Familiale où médecins, infirmières praticiennes (super infirmières), pharmaciens, travailleurs ou travailleuses sociales, unissent leurs efforts sur le dossier des malades qui consultent leur unité, chacun apportant son point de vue professionnel sur les cas.
L’auteur est critique de ses consoeurs et confrères, médecins spécialistes ou généralistes qui jouent parfois dans la lenteur ou la lourdeur d’opération du système. Que dire de l’absence d’un dossier médical québécois informatisé disponible pour l’ensemble du corps médical ou autres soignants qui accélérerait le traitement où que soit le malade sur le territoire de la province ?
Je conclus cette chronique en citant in extenso l’essayiste : « Pour prendre soin des maux en quelques mots, il faut simplement soigner sans nuire, en agissant dans la continuité, pour que la personne malade reçoive du bon soignant des soins pertinents et des médicaments utiles, au moment indiqué et dans le lieu approprié, en visant le bon niveau de soins, en favorisant la vraie prévention et en apprenant des erreurs ; il faut aussi coordonner l’ensemble et préserver l’accès aux soins, en assurant un financement public suffisant et des ententes professionnelles plus efficaces, pour que chacun se responsabilise, en jaquette ou pas, et s’engage dorénavant à penser globalement et agir localement. »
Jean-François Crépeau, Le Canada français, 22 septembre 2022.
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