Histoire d’une notion. En juin dernier, les deux agresseurs du jeune antifa Clément Méric étaient condamnés à cinq et huit ans de prison. C’est le dernier rebondissement en date d’une affaire qui a défrayé la chronique et suscité une vague d’émotion dans l’opinion publique. Elle fait suite à la mort, sous les coups, du jeune militant de 18 ans, le 5 juin 2013, lors d’une rixe opposant un groupe d’extrême droite nationaliste et un groupe d’extrême gauche antifasciste.
Mais qui sont-ils, ces antifas, auxquels se rattachait Clément et qui l’ont aujourd’hui fait entrer dans le panthéon de leurs martyrs ? En fait, les antifas, diminutif d’« antifascistes », désignent des groupes radicaux, apparus dans les années 1980, se réclamant de l’antifascisme. Ils font partie de ces mouvements et camps politiques qui reposent sur une « idéologie négative », pour reprendre l’expression de l’historien du politique René Rémond : on s’unit, on se définit et on se mobilise contre un ennemi qu’il faut combattre sans relâche. Mais des premiers antifascistes aux antifas, l’ennemi a beaucoup changé.
Opposants à Mussolini
Comprendre l’origine de la notion « antifa » nous fait remonter à celle du mot « antifascisme ». Il fait sa première apparition en 1922 pour qualifier les activités des opposants à Mussolini, en France comme en Italie. L’Internationale communiste en fait, la même année, une catégorie politique et un thème de propagande fortement marqué. L’ennemi a alors une extension maximale : le fascisme de cet antifascisme est un stigmate fourre-tout avec lequel on taxe « tout ce qui n’est pas communiste », selon l’historien Gilles Vergnon, auteur de L’Antifascisme en France (Presses universitaires de Rennes, 2009). Mais, face à l’Allemagne et à la montée du nazisme, Staline retourne sa veste et finit par miser sur une alliance plus large.
En France, les « journées républicaines » de février 1934, qui font suite à l’onde de choc des manifestations de ligues d’extrême droite le 6 février, marquent un tournant. Le mot va alors faire office de mythe mobilisateur, synonyme d’union des gauches, alliant défense républicaine et transformation sociale, dont le Front populaire serait l’aboutissement. Après 1945, le terme, encore employé par les communistes, cesse d’être une référence majeure de la mobilisation des gauches. Il se charge aussi d’autres contenus : l’antiracisme, qui en devient peu à peu la colonne vertébrale, et une référence croissante à la mémoire de la seconde guerre mondiale. Les années 1980-1990 ravivent la thématique, face à la montée du Front national, avec un semblant de dimension unitaire.
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Ariane Ferrand, Le Monde, 6 octobre 2021