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24 janvier 2016

À babord!, Octobre/novembre 2005

Livre référence:
Mémoires d’un esclave

Mémoires d’un homme libre

S’il est inspirant d’assister à l’émancipation d’une personne et, plus encore, à la libération d’un groupe de personnes, la lecture de Mémoires d’un esclave, de Frederick Douglass, s’avère particulièrement enrichissante.

Douglass y fait le récit de sa vie d’esclave, laquelle a commencé le jour de sa naissance en 1818 dans une plantation du Maryland, ainsi que de son parcours vers la libération. Au gré de ses chroniques, à la fois sobres et passionnées, de ses descriptions de l’époque, des lieux et des gens, et de ses réflexions philosophiques, il nous entraîne avec lui dans l’enfer de l’esclavage et dans la folie de l’espoir. Relatant avec une certaine pudeur les souffrances vécues par les esclaves, Douglass est très éloquent sur sa condition, habile à disséquer le système générant cette exploitation et à dénoncer ceux qui en profitent.

Véritable force de la nature et conscient de l’oppression des Afro-américains dès son jeune âge, Douglass a entrepris seul l’apprentissage de la lecture, vers l’âge de huit ans, après que sa maîtresse lui ait enseigné les lettres de l’alphabet et se soit fait interrompre par son mari. La réaction paniquée de ce dernier a constitué une importante révélation pour Douglass : « Le ton déterminé sur lequel mon maître s’était adressé à sa femme en s’efforçant de lui faire comprendre les terribles conséquences qu’il y aurait à m’instruire m’avait convaincu de la profonde vérité de ce qu’il avait dit. C’était la meilleure preuve que j’étais en droit d’attendre avec confiance ces effets que l’apprentissage de la lecture devaient avoir sur moi. » Et c’est ce qui est arrivé.

Au cours des années qui suivirent, Douglass, curieux et intelligent, fait des lectures, découvre de nouvelles idées et développe d’admirables capacités d’analyse et d’argumentation qui seront très utiles, pour lui-même et, éventuellement, pour tout le mouvement abolitionniste. Il est chaque jour plus animé par de profonds désirs de s’évader et qu’ensemble tous les esclaves arrivent à se libérer. Il côtoie des activistes et élabore patiemment des projets de liberté…

Dans ses Mémoires, Douglass nomme courageusement des personnes et des lieux, mais ne raconte pas son évasion, à l’âge de 29 ans, afin de protéger des personnes qui étaient encore vivantes au moment de la publication (1845) et de ne pas réduire les possibilités d’évasion des autres esclaves. Le récit se termine sur les premiers mois de vie libre de Frederick Douglass, alors réfugié au nord des États-Unis, et sur sa ferme intention de défendre la cause de ses frères et soeurs encore enchaînés. Ce qu’il fera ardemment.

Frederick Douglass a été un célèbre militant abolitionniste, un défenseur de la cause des femmes, un écrivain, un conférencier et un politologue qui a assisté et contribué à l’abolition de l’esclavage. L’habile et rigoureuse traduction de ses premiers écrits par Normand Baillargeon et Chantal Santerre lui rend bien hommage. De même, l’important travail de recherche qui alimente les préface, annexes et les notes enrichissent la lecture.

Marie-Hélène Côté
À babord!, Octobre/novembre 2005

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