L’essai et la revue du jour, France Culture, 25 octobre 2012
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C’est un long réquisitoire qui fleure son Julien Benda, lequel est d’ailleurs cité à plusieurs reprises. Le journaliste Chris Hedges, ancien correspondant de guerre pour le New York Times porte une charge sans merci contre la trahison des élites progressistes américaines dans toutes les institutions où elles exercent leur pouvoir moral et intellectuel : les universités, les medias, le Parti démocrate, les syndicats. Par compromission et opportunisme elles auraient progressivement abdiqué leur pouvoir de critique sociale et politique, leur capacité à s’insurger devant l’injustice et à éclairer les consciences de leurs concitoyens. Dans La Trahison des clercs, le dreyfusard Julien Benda fustigeait déjà l’abandon par la classe intellectuelle de ses valeurs de vérité, de justice, de raison, de liberté d’esprit au profit des passions communes : la haine, le conformisme, la peur de l’autre, le mépris des sans-grades et des plus démunis. Le livre de Chris Hedges s’inscrit dans cette lignée, et tout comme Noam Chomsky dont il rapporte les propos, ça ne l’intéresse pas d’écrire au sujet de Fox News, la chaîne d’information conservatrice. Il préfère lui aussi – je cite Chomsky – « parler de ces intellectuels progressistes soi-disant courageux qui prétendent critiquer le pouvoir et défendre la vérité et la justice. Il s’agit essentiellement de gardiens de la foi. Ils fixent les limites. Ils déterminent jusqu’où on peut aller… Ne vous avisez pas d’aller ne serait-ce qu’un seul millimètre plus loin qu’eux. Les plus instruits d’entre eux sont les plus redoutables défenseurs du pouvoir. »