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15 novembre 2020

Vivons-nous sous le règne de l’émotion?

Les affects dominent désormais l’espace social. Il faut savoir s’y glisser pour en accepter parfois la magie… sans y perdre la réflexion.

« Les pensées, les émotions toutes nues sont aussi faibles que les hommes tout nus. Il faut donc les vêtir » écrivait Paul Valéry dans Tel quel. Quatre-vingts ans plus tard, cette citation aux accents d’adage n’a pas fini de se vérifier. Des manifestations répétées en hommage aux victimes, au culte des images, en passant par le champ lexical des hommes politiques, le XXIsiècle est bel et bien le siècle de la libération des émotions. Si ces dernières sont indispensables à la vie de la cité, leur place est aujourd’hui sujette à discussion. S’appuyant sur un individualisme croissant, l’empire des affects ne cesse de s’étendre, remettant fortement en question le rôle que peut encore jouer la réflexion dans les débats publics. Et, au nom de l’offense, de la blessure d’orgueil, certains s’autorisent le pire. Le 16 octobre, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), était égorgé par un islamiste. Décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves lors d’un cours sur la liberté d’expression… À la suite du fameux cours, des parents s’étaient offusqués, allant jusqu’à publier le nom de l’enseignant sur Internet. Pour le ministre de l’Éducation nationale, pourtant un des fers de lance de la laïcité au sein de l’exécutif actuel, le moment où Samuel Paty a suggéré à certains des élèves de sortir de la salle pour ne pas être choqués « a pu être vécu comme une discrimination ».

Ainsi, s’émouvoir dispense de réfléchir. Une invasion des sentiments qui « contribue à atomiser la société en ramenant l’individu à sa souffrance personnelle ou à son ressenti individuel ; elle dépolitise les enjeux en les transformant en question morale » estime Anne-Cécile Robert, journaliste au Monde diplomatique professeure associée à Paris-VIII et auteure de la Stratégie de l’émotion (Lux éditeur, 2018). En d’autres termes, compassion n’est pas raison.

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Rachel Binhas, Marianne, 15 novembre 2020.

Photo: © Joe Klamar / AFP 

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